C.E. 29 Novembre 2002

Ne commet aucune erreur de droit la cour administrative d’appel qui juge que la mise en demeure adressée à un propriétaire qui utilise sans autorisation à des fins professionnelles un local d’habitation de revenir à l’affectation d’habitation antérieure n’a pas à être motivée en application de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979.

Note de M. Patrice CORNILLE :

On sait que l’article L. 631-7 du Code de la construction et de l’habitation subordonne dans de nombreuses communes, et surtout à Paris, le changement d’affectation d’un logement notamment en vue de l’utiliser à des fins professionnelles à une autorisation préalable de la préfecture.

Après s’être vu notifier un refus d’autorisation en 1993, le propriétaire d’un logement qui l’utilisait à des fins professionnelles avait reçu en 1997 une mise en demeure de la rendre à usage d’habitation.

Il critiquait très tardivement le refus d’autorisation de la préfecture en se prévalant notamment de ce que la mise en demeure qu’il avait reçue de restituer le local à son usage antérieur n’était pas motivée au regard de la loi du 11 juillet 1979 sur la motivation des actes administratifs ; il ajoutait qu’il n’avait pas été mis en demeure de présenter ses observations écrites.

Le Conseil d’Etat, par le présent arrêt qui sera publié aux Tables du Recueil, rejette le moyen invoqué.

Selon l’article L. 631-7, la « dérogation », c’est-à-dire l’autorisation de changement d’affectation, doit être « préalable et motivée ».

En revanche on aurait pu soutenir que le refus d’autorisation ou dérogation n’a pas à être motivé, puisqu’il exprime le principe d’interdiction des changements d’affectation contrôlés (CE, 15 mars 1963 – Circ. 28 sept. 1987 : JO 20 oct. 1987).

Mais ce serait oublier que cette solution a été infirmée par le Tribunal administratif de Paris, le 9 janvier 1992.

Depuis, le Conseil d’Etat sanctionne l’obligation de motiver les refus de dérogations, tout en renvoyant aux juges administratifs du fond l’appréciation de la qualité des motifs (CE, 23 oct. 1998 – 15 déc. 2000).

Pour la Cour administrative d’appel de Paris (1re ch., 17 sept. 1998), une motivation est suffisante en ces termes : « il est constaté un déséquilibre entre l’emploi et le logement au détriment de ce dernier » (dans le sixième arrondissement de Paris), sans autre précision.

On retiendra par conséquent que si l’arrêté préfectoral de refus de changement d’affectation des locaux doit incontestablement être motivé en application de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979, en ce qu’il refuse une autorisation individuelle, la mise en demeure qui en est la suite échappe à l’obligation de motiver.

Source : CONSTRUCTION-URBANISME, Mars 2003, page 10