Le droit de préemption n’est pas applicable à une adjudication forcée dans le cadre d’une procédure de saisie immobilière.
Note de M. Laurent TOUVET : La décision de Section du 6 octobre 1995, Commune de Maisongoutte, avait jugé que n’est pas une aliénation volontaire la vente par un syndic d’un bien immobilier dépendant de la liquidation des biens d’une société décidée par un jugement du tribunal de commerce. Le droit de préemption, limité par le premier alinéa de l’article L.213-1 du code, aux « aliénations volontaires », ne peut donc pas être exercé.
La question de l’application du droit de préemption à une adjudication forcée dans le cadre d’une procédure de saisie immobilière paraissait découler facilement de cette décision de 1995. Pourtant le commissaire du gouvernement Christine MAUGÜE présente d’excellents arguments pour proposer une solution inverse, et il a fallu réunir la Section du contentieux pour trancher la question, preuve qu’elle n’était pas simple.
Les difficultés tenaient à la combinaison entre la lettre du texte et l’intention du législateur. Le Conseil d’Etat fait prévaloir une application littérale des alinéas 1er et 2 de l’article L.213-1 qui définissent le champ d’application du droit de préemption, écartant le 3è alinéa relatif à la procédure, qui disposait pourtant qu’en cas d’adjudication, lorsque cette procédure est rendue obligatoire par une disposition législative ou réglementaire, l’acquisition par le titulaire du droit de préemption a lieu au prix de la dernière enchère, par substitution à l’adjudicataire ».
Surtout, le Conseil d’Etat fait prévaloir le principe selon lequel l’interprétation d’un texte législatif clair ne doit pas faire appel aux travaux préparatoires. C’est probablement pour éviter la remise en cause de ce principe d’interprétation de la loi que le Conseil d’Etat refuse de suivre Madame MAUGÜE, qui avait parfaitement montré que la rédaction de la loi ne correspondait pas du tout à l’intention du législateur. Les travaux préparatoires de la loi du 18 juillet 1985 montrent bien que le législateur a voulu inclure les adjudications forcées, notamment celles menées sur saisie immobilière, dans le champ d’application du droit de préemption. Mais il s’y est mal pris et a écrit à peu près le contraire.
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Il est regrettable que la solution, quatorze ans après le vote de la loi, aille contre une doctrine administrative bien établie.
Enfin, on remarquera que le champ d’application du droit de préemption urbain est réduit, pour les aliénations pratiquées par adjudication, aux seules adjudications volontaires tout en étant rendues obligatoires par une loi ou un règlement. Cela conduit à exclure les ventes sur saisie immobilière alors qu’elles peuvent souvent offrir aux communes des opportunités intéressantes d’acquisition. On pourrait répondre que les communes peuvent soit se porter directement acquéreur de ces biens en participant aux enchères, soit procéder ensuite à une expropriation si elles voient une utilité publique à leur acquisition par la commune. Cependant, nous persistons à penser que la solution du tribunal administratif était meilleure que celle de la Cour Administrative d’Appel et celle, ici commentée, du Conseil d’Etat.
Cette décision invitera peut-être le législateur à rectifier la rédaction maladroite qu’il a votée en 1985.