Dans quelles conditions une décision de préemption illégale engage-t-elle la responsabilité de l’Administration ?
Une décision de préemption illégale en la forme mais fondée n’engage pas la responsabilité de l’Administration.
Dans le cas de préemption illégale qui engage la responsabilité de l’Administration, le préjudice indemnisable est égal, lorsque l’Administration a finalement renoncé à préempter, au manque à gagner qui résulte de la non-disposition du prix de vente pendant le délai qui court de la date de la préemption à celle de la renonciation.
Note de M. Jean-Claude BONICHOT :
La communauté urbaine avait préempté sans motiver sa décision de manière suffisante ; sa décision était donc illégale.
Par la suite, et après fixation du prix par le juge de l’expropriation, elle avait renoncé à la préemption comme le lui permet l’article L. 213-7 du Code de l’urbanisme.
Le propriétaire demandait la réparation du préjudice subi.
Le Conseil d’Etat rappelle tout d’abord un principe : si toute décision administrative illégale est considérée automatiquement comme fautive, toute décision illégale n’entraîne pas pour autant la responsabilité de l’Administration.
Il faut, en effet, s’interroger sur la cause du préjudice et il peut n’y avoir aucun lien de cause à effet entre l’illégalité et le dommage subi.
C’est en particulier le cas lorsque l’illégalité dont est entachée la décision est une irrégularité de forme ou de procédure, comme un défaut de motivation ou le manque d’une consultation : dès lors, en effet, qu’au fond la décision aurait pu être valablement prise, le préjudice ne résulte que de l’exercice par l’Administration des pouvoirs que la loi ou le règlement lui ont donnés.
C’est pour avoir méconnu ce principe jurisprudentiel que l’arrêt de la Cour est annulé.
Examinant l’affaire au fond, le Conseil d’Etat constate l’absence de projet précis de nature à justifier l’exercice du droit de préemption.
La décision est donc illégale au fond, l’exercice du droit de préemption non justifié, et cela ouvre la voie de la responsabilité de la puissance publique.
En l’espèce, la communauté urbaine avait finalement renoncé à préempter après que le prix eut été fixé par le juge.
L’arrêt considère que l’usage par l’Administration de cette faculté de renonciation qui lui est donnée par la loi n’engage pas sa responsabilité. Il en va autrement de l’illégalité de la préemption elle-même.
Quant au préjudice subi, il est égal au manque à gagner qui résulte de ce que le vendeur n’a pas pu disposer du prix de sa vente à partir du jour où l’Administration a préempté jusqu’au jour où elle y a renoncé.
Toutefois, une telle évaluation correspond à la réalité du préjudice lorsque le compromis était rédigé de telle manière que la vente puisse finalement se faire avec l’acquéreur initial.
Mais il en va autrement si tel n’est pas le cas, en effet, le propriétaire peut alors se retrouver, à cause de l’Administration, avec sur les bras un bien qui n’a plus d’acquéreur et ne pas en retrouver un tout de suite. Le préjudice peut alors être plus important.