C.E. 27 Juillet 2005

L’intention frauduleuse, qui permet à l’Administration de retirer un permis de construire même au-delà du délai de quatre mois fixé par la jurisprudence Ternon, peut être mise en évidence par des faits postérieurs à la délivrance du permis, tels que la réalisation, dès l’origine, de travaux selon des plans différents de ceux figurant dans le dossier de demande.

Note de M. Gilles GODFRIN :

Le 12 novembre 2002, une société avait obtenu du maire un permis de construire pour la construction de 84 logements de type T2 à caractère médico-social pour personnes âgées, dans une zone du Plan d’Occupation des Sols (POS) où n’étaient admises que les constructions à caractère médico-social.

Lors d’un contrôle du chantier effectué en mars 2004 par un agent de la Direction Départementale de l’Equipement, il a été constaté que les logements construits étaient en réalité au nombre de 72, dont 26 logements de type T3 susceptibles d’accueillir des familles. Par ailleurs, les équipements nécessaires à l’accessibilité des personnes âgées handicapées, prévus par le dossier de permis de construire, n’avaient pas été réalisés.

Le maire a procédé au retrait du permis par arrêté du 8 avril 2004, soit 17 mois après sa délivrance.

La question était celle de savoir si la réalisation d’un projet très différent de celui qui avait été autorisé était susceptible de révéler une fraude au permis de construire et, en d’autres termes, si la fraude pouvait être mise en évidence à partir de faits constatés postérieurement à la délivrance du permis de construire.

L’intention frauduleuse doit être clairement établie. La jurisprudence caractérise la fraude par des faits intervenus avant la délivrance de l’autorisation.

Par cet arrêt du 17 juillet 2005, le Conseil d’Etat admet que l’intention frauduleuse puisse être caractérisée par des faits postérieurs à la délivrance de l’autorisation.

En l’espèce, il constate que, dès le début des travaux, les plans fournis aux entreprises chargées de construire le bâtiment étaient différents de ceux figurant dans le dossier de permis de construire.

Ce fait lui permet d’induire que le pétitionnaire avait présenté un dossier de demande de permis de construire portant sur un projet qu’il n’a jamais eu réellement l’intention de réaliser.

C’est donc à tort que le Tribunal Administratif a jugé que créait un doute sérieux sur la légalité du retrait du permis le moyen selon lequel, faute de fraude, ce retrait n’avait pas pu intervenir légalement plus de quatre mois après la signature de ce permis.

Source : Construction-Urbanisme, 12/05, page 26