Sous réserve des dispositions législatives ou réglementaires contraires, et sauf dans le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l’administration ne peut retirer une décision individuelle explicite créatrice de droits, à condition qu’elle soit illégale, que dans le délai de quatre mois qui suit son intervention.
Note de Monsieur BONICHOT :
Cette très importante décision d’assemblée modifie de fond en comble les règes du retrait des actes administratifs. Elle se situe dans la ligne des principes qui ont inspiré l’arrêt Dame Cachet, mais s’en détache complètement en ce qui concerne la technique retenue.
Le principe, qui est essentiel, est conservé : le destinataire d’un acte est assuré que celui-ci bénéficie d’une certaine stabilité. Il ne peut être retiré par l’administration que pour illégalité et non pour un quelconque autre motif, et dans certaines conditions. Ce sont ces conditions qui changent : dans le système de l’arrêt Cachet, le retrait pouvait être décidé dans le délai du recours contentieux ou, si le juge a été saisi, tant qu’il n’a pas statué sur le recours. Dans le nouveau régime du retrait dessiné par le Conseil d’Etat, le retrait n’est possible, dans tous les cas, que dans un délai invariablement fixé à quatre mois.
Corrélativement – et c’est d’ailleurs ce point qui avait justifié que cette affaire fût soumise à l’assemblée du contentieux – se trouve abandonnée la non moins célèbre jurisprudence Ville de Bagneux, selon laquelle, dans la logique de l’arrêt Cachet, une décision individuelle qui avait été notifiée pouvait être retirée n’importe quand dès lors que, n’ayant pas été publiée, elle pouvait toujours faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir.
Allant beaucoup plus loin que ne le lui proposait son commissaire du gouvernement, le Conseil d’Etat opte pour une solution radicale : le délai, considéré comme raisonnable, fixé à quatre mois, joue dans tous les cas. Alors même qu’un recours juridictionnel aurait été introduit, alors même qu’un recours administratif aurait été présenté, le retrait n’est pas possible au-delà du délai de quatre mois. La possibilité de « rattrapage » d’une illégalité donnée à l’autorité administrative est une chose, le droit de recours des tiers en est une autre.
Quelles conséquences tirer de cette nouvelle jurisprudence pour ce qui concerne les autorisations d’urbanisme ?
– S’agissant des autorisations expresses, la règle est aussi simple que brutale : elles ne peuvent, dans tous les cas, être retirées que dans le délai de quatre mois qui suit leur édiction, ce qui s’entend, lorsque la décision est prise par une autorité qui agit seule, par exemple un maire, de la signature de l’acte.
– Pour ce qui est des décisions implicites, la solution retenue par le Conseil d’Etat se trouve en décalage par rapport à la loi du 12 avril 2000 : celle-ci prévoit, en effet, qu’une décision implicite d’acceptation peut être retirée, soit dans le délai de deux mois qui suit les formalités de publicité, soit, s’il n’y en a pas eu, dans les deux mois de la prise de l’acte, soit, enfin, pendant la durée de l’instance si un recours a été introduit. On a donc là une de ces dispositions législatives particulières dont parle l’arrêt d’assemblée.
Le régime de retrait des décisions expresses et tacites est donc différent et la solution retenue par le Conseil d’Etat est beaucoup plus protectrice des droits acquis.
Quid du retrait des certificats d’urbanisme ? On sait que le refus d’un permis de construire qui fait suite à un certificat positif s’analyse comme un retrait de ce dernier. Comme, dans la pratique, la décision sur le permis est souvent prise bien plus de quatre mois après que le certificat a été délivré, ce schéma ne peut plus être retenu. La nouvelle jurisprudence sur le retrait nous paraît donc considérablement renforcer les droits que les pétitionnaires tiennent du certificat d’urbanisme dont le rôle est, par la force des choses, appelé à de nouveaux développements.