C.E. 26 Février 2003

Dans le cadre de son pouvoir de régler l’affaire au titre de la procédure de référé, le Conseil d’Etat suspend l’exécution d’un arrêté de transfert d’un permis de construire auquel a consenti par avance le bénéficiaire, à sa demande, aux motifs qu’il avait fait connaître au Maire qu’il revenait sur son autorisation de principe contenue dans sa promesse de vente.

Note de M. Patrice CORNILLE :

La Cour Administrative d’Appel de Paris (29 sept. 1995) considère que l’absence d’accord du titulaire primitif du permis initial ne permet pas de refuser une demande de transfert, alors que le terrain à construire avait été vendu antérieurement à la demande de transfert. Par surcroît, l’acte de vente contenait une clause selon laquelle le bénéfice du permis de construire serait transféré par le vendeur. Il a été jugé, par ailleurs, que le transfert de permis de construire ne nécessite pas l’accord du titulaire initial dudit permis, s’il n’est plus propriétaire de l’immeuble (CE 10 nov. 2000).

Sans se prononcer expressément, le Conseil d’Etat précise ici que le transfert du permis est subordonné, non à l’accord du bénéficiaire initial, mais si accord il y a eu, au strict respect de l’accord concerné.

En l’occurrence, le premier bénéficiaire du permis avait été autorisé à le demander par le propriétaire du terrain dans le cadre d’une promesse de vente et, en outre, le propriétaire avait stipulé à son profit (mais non au profit d’un tiers) le transfert du permis en cas de non-réalisation de la vente.

C’est ce qu’on appelle la clause de « retour d’office » du permis. Elle permet, dans le cas où la vente du terrain ne se réalise pas comme prévue de protéger le propriétaire en lui restituant le plein usage de son bien (devenu concrètement constructible grâce aux efforts du bénéficiaire de la promesse de vente).

Néanmoins, il semble bien qu’en l’espèce le propriétaire ait voulu abuser dudit « retour d’office« , puisque après s’être retiré de la promesse de vente, il avait vendu le terrain à un tiers, lequel en suivant avait obtenu le transfert du précieux permis à son avantage. On comprend que le premier bénéficiaire du permis ait vu rouge : privé du droit d’acheter le terrain, il se voit aussi « voler » son permis par un concurrent. Pour suspendre le transfert à la demande du premier bénéficiaire, le Conseil d’Etat relève :

– que la rétractation de son accord d’avance pour le transfert crée un doute sérieux quant à la légalité de la décision du Maire ;
– qu’un transfert non approuvé entraîne le droit pour le second bénéficiaire d’utiliser les plans du programme de construction élaborés par le premier ;
– qu’un transfert génère une solidarité entre les titulaires subséquents du permis pour l’exigibilité de la Taxe Locale d’Equipement ;
– qu’un contentieux judiciaire est pendant entre les parties au sujet des droits respectifs des constructeurs concurrents sur le terrain (le juge administratif attendra la décision judiciaire pour trancher au fond).

Le Conseil d’Etat juge que les trois derniers éléments ci-dessus caractérisent une situation préjudiciable aux intérêts du premier bénéficiaire du permis, et qu’ils justifient l’urgence lui permettant d’obtenir la suspension du transfert en référé au titre de l’article L. 521-1 du Code de Justice Administrative.

Source : Construction-Urbanisme, Juin 2003 page 27