Une décision de préemption insuffisamment motivée est illégale nonobstant le caractère précis et certain du projet pour lequel elle a été exercée.
Note de M. Pierre SOLER-COUTEAUX :
L’arrêt illustre la rigueur du juge quant à l’obligation de motivation du droit de préemption résultant de l’article L. 210-1 du Code de l’Urbanisme.
On sait que la motivation ne peut intervenir a posteriori à titre de régularisation d’une motivation inexistante ou insuffisante de la décision notifiée (CE, 16 déc. 1994) et que, par conséquent, toutes les précisions quant à la réalité de l’objet poursuivi par l’opération d’aménagement que l’Administration est susceptible d’apporter au cours de la procédure sont inopérantes.
C’est de cette solution dont le Conseil d’Etat fait ici application.
Il annule tout d’abord l’arrêt objet du pourvoi, au motif que le juge d’appel a commis une erreur de droit en limitant son contrôle à l’erreur manifeste d’appréciation sans vérifier que le projet d’action ou d’opération d’aménagement envisagé entrait bien dans le champ d’application du droit de préemption.
Puis, il juge que c’est à tort que le Tribunal Administratif s’est fondé sur l’absence de tout projet pour annuler la délibération exerçant le droit de préemption, celui-ci étant à la fois précis et suffisamment certain dès la date d’intervention de la décision de préemption.
Il confirme, néanmoins, l’annulation dans la mesure où elle ne mentionnait que des objectifs généraux ne faisant pas apparaître de façon précise l’action ou l’opération en vue de laquelle le droit de préemption avait été exercé.
« Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la délibération du 1er février 1999 ne mentionne, au titre de l’exercice du droit de préemption urbain, que des objectifs généraux qui ne font pas apparaître de façon précise l’action ou l’opération en vue de laquelle ce droit de préemption est exercé ; que, notamment, elle ne mentionne pas le projet de musée envisagé pour l’utilisation des bâtiments ; qu’ainsi, et alors même que les projets de la Commune étaient, en réalité, précis et suffisamment certains dès la date d’intervention de la décision de préemption, la délibération ne répond pas à l’exigence, qui découle de l’article L. 210-1 du Code de l’Urbanisme, de description précise de l’objet en vue duquel est exercé le droit de préemption urbain.
Que, dès lors, la Commune n’est pas fondée à se plaindre de ce que le Tribunal Administratif de Versailles a annulé la délibération du 1er février 1999 dans son ensemble ».