Aucun fonds de commerce n’a pu être créé sur le domaine public avant la loi Pinel.
Note de Mme Marie-Christine de MONTECLER :
Le Conseil d’Etat précise les modalités d’indemnisation de l’exploitant auquel l’administration a laissé croire qu’il était titulaire d’un bail commercial sur une dépendance du domaine public.
Les dispositions de la loi du 18 juin 2014 (dite « loi Pinel« ), qui permettent la constitution d’un fonds de commerce sur le domaine public, ne sont applicables qu’aux exploitants qui ont obtenu un titre d’occupation du domaine après leur entrée en vigueur.
L’affaire qui a donné lieu à l’arrêt est née de l’erreur d’une société concessionnaire du service public des remontées mécaniques qui avait conclu, en 1994, un « bail commercial » en vue de l’exploitation d’un restaurant dans les locaux d’une gare de télécabine. Le « fonds de commerce » comprenant le droit au bail avait été cédé avant que, en 2006, la société des remontées mécaniques LH-SG mette fin sans indemnité aux activités de la société La Champenoise, exploitante du restaurant. Un litige indemnitaire s’en est suivi et le Conseil d’Etat était saisi de pourvois des deux parties contre l’arrêt d’appel qui avait condamné la société LH-SG à verser à la société La Champenoise une indemnisation que celle-ci jugeait insuffisante.
Le Conseil d’Etat précise donc que les dispositions de l’article L. 124-32-1 du Code général de la propriété des personnes publiques, issu de la loi Pinel, « ne sont, dès lors que la loi n’en a pas disposé autrement, applicables qu’aux fonds de commerce dont les exploitants occupent le domaine public en vertu de titres délivrés à compter de son entrée en vigueur« . Par conséquent, le bénéficiaire d’un titre délivré avant cette date, « qui n’a jamais été légalement propriétaire d’un fonds de commerce, ne peut prétendre à l’indemnisation de la perte d’un tel fonds« .
Pour autant, cet exploitant n’est pas privé de toute indemnisation : « lorsque l’autorité gestionnaire du domaine public conclut un « bail commercial » pour l’exploitation d’un bien sur le domaine public ou laisse croire à l’exploitant de ce bien qu’il bénéficie des garanties prévues par la législation sur les baux commerciaux, elle commet une faute de nature à engager sa responsabilité« .
L’exploitant peut alors « prétendre, sous réserve, le cas échéant, de ses propres fautes, à être indemnisé de l’ensemble des dépenses dont il justifie qu’elles n’ont été exposées que dans la perspective d’une exploitation dans le cadre d’un bail commercial ainsi que des préjudices commerciaux et, le cas échéant, financiers qui résultent directement de la faute qu’a commise l’autorité gestionnaire du domaine public en l’induisant en erreur sur l’étendue de ses droits« .
En outre, lorsqu’il est mis fin avant terme au prétendu « bail commercial« , en l’absence de faute de l’exploitant, « celui-ci doit être regardé, pour l’indemnisation des préjudices qu’il invoque, comme ayant été titulaire d’un contrat portant autorisation d’occupation du domaine public pour la durée du bail conclu« . De ce fait, il est « en principe en droit, sous réserve qu’il n’en résulte aucune double indemnisation, d’obtenir réparation du préjudice direct et certain résultant de la résiliation unilatérale d’une telle convention avant son terme, tel que la perte des bénéfices découlant d’une occupation conforme aux exigences de la protection du domaine public et des dépenses exposées pour l’occupation normale du domaine, qui auraient dû être couvertes au terme de cette occupation« .