N’est pas régulièrement édifiée au sens de l’article L. 111-3 du Code de l’Urbanisme la construction édifiée sans permis de construire ou en vertu d’un permis de construire annulé ou retiré, mais l’illégalité du permis initial ne peut être invoquée à l’encontre du permis afférent au bâtiment reconstruit après sinistre.
Note de M. Jean-Philippe MENG :
L’article L. 111-3 du Code de l’Urbanisme garantit, depuis la loi Solidarité et Renouvellement Urbains du 13 Décembre 2000, le droit de reconstruire « à l’identique un bâtiment détruit par sinistre nonobstant toute disposition d’urbanisme contraire, sauf lorsque la carte communale ou le plan local d’urbanisme en dispose autrement, dès lors qu’il a été régulièrement édifié« .
En l’espèce, une maison d’habitation située sur le littoral de la Corse du Sud a été détruite par un attentat ; en vue de sa reconstruction, un permis de construire a été délivré le 17 septembre 2002, soit huit ans après les faits.
– Le Conseil d’Etat considère, en premier lieu, que l’application de l’article L. 111-3 du Code de l’Urbanisme à la reconstruction d’un bâtiment détruit avant son entrée en vigueur n’encourt aucun reproche de rétroactivité.
Le droit de reconstruire à l’identique est immédiatement acquis par l’effet direct de la loi, la cause, purement factuelle, pouvant se situer indifféremment avant ou après son entrée en vigueur. Ce serait, en effet, ajouter une condition non prévue par la loi que d’imposer que le sinistre soit survenu après cette date.
– En deuxième lieu, bien que la loi ne donne pas de définition du sinistre, la destruction d’un bâtiment par un attentat est bien un sinistre, dans la mesure où elle présente un caractère fortuit et non volontaire (au moins pour le propriétaire), selon l’acception déjà admise par la fiscalité de l’urbanisme.
– Enfin, l’écoulement d’un délai de huit années entre le sinistre et la délivrance du permis de construire paraît sans incidence : l’article L. 111-3 du Code de l’Urbanisme ne pose, en effet, aucune condition de délai en ce qui concerne le dépôt de la demande de permis pour que le propriétaire puisse en revendiquer le bénéfice. Est, en particulier, écarté par le Conseil d’Etat l’argument selon lequel, compte tenu du délai écoulé, la maison ne pouvait plus être qualifiée de bien sinistré, mais seulement de ruine.
On observera, sur ce dernier point, la différence avec les dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 111-3 du Code de l’Urbanisme, issu de la loi « Urbanisme-Habitat » du 2 Juillet 2003, qui renvoient précisément à l’état de la construction et non à la cause de celui-ci pour fixer le régime de la réhabilitation des constructions dont il reste l’essentiel des murs porteurs.
Il convient – et c’est l’apport principal de l’arrêt – de distinguer le caractère régulier de la construction et la régularité du permis de construire. En soulignant que le permis de « reconstruire » ne saurait être utilement contesté au motif de l’illégalité du permis initial, le Conseil d’Etat ne semble pas se placer sur le terrain de l’exception d’illégalité mais bien poser le principe du caractère inopérant de l’illégalité du permis initial sur la régularité de la construction.