C.E. 23 Mars 2015

Saisi d’une demande d’autorisation d’urbanisme dont le pétitionnaire atteste qu’il a qualité pour la déposer, le service instructeur n’est pas tenu de vérifier la validité de cette attestation mais est tenu de refuser l’autorisation s’il a connaissance d’informations de nature à établir une manœuvre frauduleuse.

Note de M. Rémi GRAND :

L’abandon la théorie dite du « propriétaire apparent » continue d’être précisé par le Conseil d’État qui, saisi d’un recours dirigé contre une décision d’opposition à déclaration préalable, transpose à ce type de demande, sur le fondement des articles R. 423-1 et R. 431-35 du Code de l’urbanisme, le principe selon lequel ces déclarations doivent seulement comporter « l’attestation du pétitionnaire qu’il remplit les conditions définies à l’article R. 423-1« .

D’où il découle, les autorisations d’utilisation du sol étant accordées sous réserve du droit des tiers, qu’il « n’appartient pas à l’autorité compétente de vérifier, dans le cadre de l’instruction […], la validité de l’attestation établie par le demandeur » et donc que les tiers ne sauraient « utilement, pour contester une décision accordant une telle autorisation au vu de l’attestation requise, faire grief à l’administration de ne pas en avoir vérifié l’exactitude« .

Le Conseil d’État apporte toutefois une précision à ce principe, qui veut que, lorsque l’administration « vient à disposer au moment où elle statue, sans avoir à procéder à une instruction lui permettant de les recueillir, d’informations de nature à établir son caractère frauduleux ou faisant apparaître, sans que cela puisse donner lieu à une contestation sérieuse, que le pétitionnaire ne dispose, contrairement à ce qu’implique l’article R. 423-1 […], d’aucun droit à la déposer, il lui revient de s’opposer à la déclaration ou de refuser la demande de permis pour ce motif« .

En l’espèce, l’opposition à déclaration préalable querellée concernait l’établissement d’une clôture en limite d’un tracé établi après bornage judiciaire et était fondée, « d’une part, sur une décision judiciaire rendue dans le cadre d’une action en bornage, laquelle ne tranche pas la question de la propriété d’un fonds mais en détermine seulement la délimitation matérielle, et, d’autre part, sur les motifs d’une décision judiciaire, postérieure à l’arrêté contesté et rendue dans le cadre d’une action en revendication de propriété, relatifs au tracé du chemin rural revendiqué par des voisins des requérants aux fins d’obtenir la reconnaissance d’une servitude par destination du père de famille« .

Ce raisonnement est censuré par le Conseil d’État, dans la mesure où, d’une part, il n’est pas établi que les requérants n’auraient pas fourni l’attestation prévue par l’article R. 431-35 du Code de l’urbanisme ou qu’ils auraient procédé à une manœuvre en vue d’obtenir par fraude que le maire ne s’oppose pas à leur projet et où, d’autre part, il ne résultait pas des décisions judiciaires précitées, eu égard à leur portée, que les déclarants ne disposaient pas du droit à déposer cette déclaration en application de l’article R. 423-1 du même Code.

Source : Dalloz Actualité, 27 mars 2015