C.E. 23 Juillet 2014

Confirmation de l’illégalité des extensions commerciales réalisées en 2008 sans autorisation.

Note de Mme Marie-Anne RENAUX :

Nombreux sont ceux qui pensaient que le sujet des extensions réalisées sans autorisation, au moment de l’adoption de la loi de modernisation de l’économie (dite « LME« ) du 4 août 2008, était pratiquement clos, dès lors qu’aucune obligation n’avait été imposée aux exploitants de ces surfaces de vente, de les neutraliser, ou de les régulariser.

Plus d’un million de mètres carrés de surfaces de vente avaient été créés, à la faveur de la circulaire du 28 août 2008, laquelle avait annoncé après l’adoption de cette loi que, tous les projets portant sur une extension de moins de 1.000 m² de surface de vente se trouvaient temporairement, et jusqu’à l’entrée en vigueur de la nouvelle législation de l’aménagement commercial, dispensés d’autorisation préalable, que ce nouveau seuil soit déjà atteint ou qu’il soit dépassé du fait de l’extension envisagée.

Après le retrait de cette circulaire par une nouvelle circulaire du 24 octobre 2008, laquelle était venue restreindre largement le champ d’application de cette dispense d’autorisation, aucun recensement précis des extensions réalisées n’a été dressé.

Par ailleurs, les établissements ayant procédé à ces extensions n’ont pas fait l’objet de contrôles.

De sorte que les surfaces mises en œuvre ont été largement maintenues, que les enseignes n’ont pas entrepris de démarche de régularisation massive, et que le sort de ces extensions a été traité au cas par cas, généralement à l’occasion des nouvelles demandes d’extension.

La pratique adoptée pour ces dernières consistant à mentionner dans les dossiers de demande, seulement pour à titre d’exemple d’information, les surfaces étendues en 2008, en joignant éventuellement les justificatifs des déclarations effectuées en préfecture, à préciser la surface objet de la demande d’extension et à considérer que l’autorisation accordée entraînait validation implicite de l’ensemble des surfaces ainsi visées et déclarées.

C’est à l’occasion d’une telle démarche que le Conseil d’État a eu l’occasion de se prononcer sur cette pratique et sur l’avenir de ces extensions dites « Martin« .

En effet, une association l’a saisi d’un recours dirigé contre l’autorisation accordée par la Commission nationale d’aménagement commercial (CNAC) à la société A., pour à une extension très modeste de 265 m² de la surface de vente d’un ensemble commercial présentant une surface de vente de 8.201 m².

La Haute juridiction a constaté que, depuis son ouverture, cet ensemble commercial avait fait l’objet d’autorisations successives et qu’en outre « deux extensions de l’hypermarché… de 999 m² chacune ont été réalisées par la société A. en septembre et en octobre 2008, sans autorisation préalable« .

À partir de ce constat des extensions intervenues en 2008, le Conseil d’État a été amené à prendre clairement position sur l’illégalité de ces anciennes extensions et sur l’illégalité de celle autorisée par la CNAC en 2013.

D’une part, il a jugé que les dispositions du XXIX de l’article 102 de la loi LME n’avaient eu « ni pour objet, ni pour effet de dispenser de l’obligation d’autorisation d’exploitation commerciale les projets d’extension conduisant à un dépassement du seuil des 1.000 m² de surface de vente« .

Et, il a écarté les moyens de défense invoqués par la société exploitante tirés de ce qu’elle s’était conformée au dispositif prévu par la circulaire du 28 août 2008, en indiquant que ce texte était dépourvu de toute portée normative et que les déclarations effectuées à la préfecture ne pouvaient valoir autorisation.

D’autre part, le Conseil d’État a considéré que l’illégalité de ces anciennes extensions interdisait toute nouvelle extension en jugeant que « l’extension de surfaces commerciales irrégulièrement exploitées ne pouvant être légalement autorisée, la Commission nationale ne pouvait limiter le champ de son autorisation aux 265 m² supplémentaires demandés que dans l’hypothèse où les extensions précédentes de 999 m² n’auraient pas requis d’autorisation« .

Ce faisant, il confirme qu’une autorisation d’extension de surfaces commerciale ne peut légalement être délivrée que pour autant que les surfaces existantes sont régulièrement exploitées (CAA Marseille, 17 oct. 2013).

Et, il indique clairement aux commissions d’aménagement commercial qu’il leur appartient de requalifier les demandes dont elles sont saisies pour viser dans leur décision, l’ensemble des surfaces dont l’extension nécessite une autorisation.

Par cette décision, le Conseil d’État paraît clore définitivement le débat relatif à la légalité des surfaces de ventes réalisées en application de cette circulaire, et il semble imposer aux exploitants de ces surfaces de les déclarer complètement et de les inclure dans leurs futures demandes d’extensions, afin d’obtenir leur régularisation.

Source : Constr. urb., 11/14, 145