C.E. 23 Janvier 2006

Intérêt pour agir en référé-suspension d’une société en cours de constitution.

Dès lors que sont intervenus les premiers actes de création de la société requérante, notamment la signature de ses statuts par les associés et leur présentation à l’enregistrement, et que ladite société est en cours de constitution pour acquérir le fonds de commerce devant être exploité dans l’immeuble préempté, cette société a une capacité et un intérêt suffisant pour agir en référé-suspension de la décision de préemption.

Note de M. Patrice CORNILLE :

L’acquéreur évincé d’une vente par une décision de préemption qu’il considère illégale a intérêt et donc qualité pour agir en annulation à son encontre.

La recevabilité de l’acquéreur est en général admise avec libéralisme par les juridictions administratives.

Ainsi, la circonstance qu’une promesse de vente serait devenue caduque, postérieurement à la décision de préemption, du fait de la renonciation du vendeur à l’aliénation, est sans incidence sur l’intérêt de l’acquéreur évincé à contester la légalité de la décision de préemption ; la circonstance que la promesse était assortie d’une clause suspensive tenant à l’exercice du droit de préemption par la commune est également sans incidence sur la qualité d’acquéreur évincé du requérant (CE, 15 mai 2002).

De même, la survenance de la caducité d’une promesse de vente ne prive pas nécessairement de son caractère d’urgence la suspension de la décision de préemption par voie de référé (CE, 22 avr. 2005).

Cette décision marque un degré de plus dans cette tendance libérale puisqu’elle admet que l’acquéreur, pris en la personne (morale) d’une société en cours de constitution seulement à la date de l’introduction de sa requête dispose d’une capacité suffisante pour être recevable à saisir le président du Tribunal Administratif en vue d’obtenir la suspension de la préemption qui lui fait grief.

Cette solution, nouvelle, n’allait pas de soi puisqu’une société n’acquiert la personnalité morale qu’à compter de son immatriculation au registre du commerce et des sociétés.

Le Conseil d’Etat se satisfait de la signature des statuts et de leur enregistrement pour retenir la capacité pour ester en justice de la requérante, avant même sa naissance juridique.

Source : Constr.-Urb., 5/06, page 22