Jusqu’à quand reconstruire un bâtiment par un sinistre ?
Note de Mme Lucienne ERSTEIN :
Décision importante qui fait la synthèse de la loi nouvelle, du principe qui en éclaire l’application et de l’interprétation de la loi passée.
Avant la loi du 12 mai 2009, qui a modifié l’article L. 111-3 du Code de l’urbanisme, issu de la loi du 13 décembre 2000, ce dernier texte autorisait la « reconstruction à l’identique d’un bâtiment détruit par un sinistre » et ce, même en présence de règles d’urbanisme contraires, pourvu qu’il ait été régulièrement édifié, à moins que ces règles ne s’y opposent formellement.
Aucun délai de reconstruction n’était prévu, mais la jurisprudence a comblé ce vide juridique en estimant que la reconstruction devait intervenir dans « un délai raisonnable« .
Il n’était pas envisageable, en effet, que le constructeur échappe éternellement à l’application de règles d’urbanisme devenues plus contraignantes (CE, 9 mai 2012).
D’autant plus que, dans l’intervalle, le législateur de 2009 était intervenu pour limiter à 10 ans cette possibilité de reconstruction, qui concerne désormais tous les bâtiments détruits ou démolis, quelle qu’en soit la raison.
Malgré les restrictions apportées par la jurisprudence, le texte de 2009 demeure une loi qui instaure un délai de prescription d’un droit qui en était dépourvu.
Faisant application d’un principe contenu dans la jurisprudence (CE, 7 nov. 1979), le Conseil d’État constate que le délai de 10 ans est immédiatement applicable, mais ne court, pour éviter toute rétroactivité répréhensible, qu’à compter de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle.
Tous les bâtiments détruits par sinistre avant le 14 mai 2009 – date d’entrée en vigueur de la loi nouvelle – pourraient donc être reconstruits, dans les conditions prévues par l’article L. 111-3, jusqu’en 2019.
Mais, selon le principe exposé par la jurisprudence de 1979, si le délai nouveau – plus court – remplace un délai ancien – plus long -, il ne s’applique que si le délai ancien n’expire pas avant lui.
Autrement dit, le rappel du « délai raisonnable » dans la présente décision laisse « raisonnablement » penser que le délai nouveau de 10 ans qui court depuis le 14 mai 2009 n’intéresse, s’agissant des bâtiments détruits par un sinistre avant cette date, que les reconstructions pour lesquelles un « délai raisonnable » n’était pas expiré à cette même date et ne l’était toujours pas ou ne le sera toujours pas à la date à laquelle il est statué – avant 2019 – sur la demande de reconstruction.