Faut-il l’accord du titulaire du permis de construire pour le transférer ?
Un permis de construire ne peut être valablement transféré qu’avec l’accord de son titulaire initial.
Note de M. Sylvain PERIGNON :
Pratique administrative validée par la jurisprudence, le transfert du permis de construire s’analyse comme une décision expresse modifiant le permis en ce qui concerne l’identité de son titulaire. Comme toute décision modificative, elle doit faire l’objet d’un double affichage, en mairie et sur le terrain.
L’administration ne peut refuser le transfert en invoquant de nouvelles règles d’urbanisme qui seraient intervenues postérieurement à la délivrance du permis.
Lorsque le permis dont le transfert est demandé est devenu définitif (ne pouvant plus faire l’objet d’un retrait ou d’une annulation), l’administration ne peut s’opposer au transfert demandé au motif d’une éventuelle illégalité du permis.
L’instruction d’une demande de transfert ne peut donc permettre de revenir sur les droits acquis par le titulaire du permis. Mais il convient de vérifier si ces droits acquis n’ont pas été anéantis par une péremption du permis, lequel ne peut être transféré que s’il est toujours en cours de validité.
Si la circulaire du 16 mars 1973 précise que la demande de transfert doit émaner du titulaire du permis de construire, la pratique admettait que la demande de transfert soit formulée par la personne devant bénéficier du transfert, dès lors que cette demande était accompagnée de l’accord du titulaire du permis.
En l’absence de cet accord, le permis peut-il être légalement transféré ?
La jurisprudence était divisée sur ce point, et nombre de juridictions du fond avaient opté pour une réponse positive, dès lors que le titulaire initial ne justifiait plus d’un titre l’habilitant à construire, n’étant plus propriétaire ou n’étant plus bénéficiaire d’une promesse de vente encore valide.
Les droits créés par la délivrance du permis au profit de son titulaire seraient en quelque sorte anéantis, ou du moins purement virtuels, ne pouvant plus être mis en œuvre sur le terrain concerné.
Mais qu’en est-il si le titre habilitant à construire le titulaire initial du permis fait l’objet d’un litige porté devant les tribunaux judiciaires, dont la décision peut éventuellement faire revivre ce titre ?
L’arrêt SCI Logana, rendu le 20 octobre 2004, vient rappeler que le permis de construire est un acte individuel créateur de droits et que, par suite, ce permis ne peut être transféré qu’avec l’accord du titulaire de l’autorisation, même si celui-ci n’est plus propriétaire du terrain à la date de la demande de transfert.
Les droits conférés par le permis ne peuvent donc être remis en cause que par les seules voies de l’annulation ou du retrait. Si l’on ne peut porter atteinte aux droits acquis que le titulaire du permis tient de cette autorisation, on ne saurait non plus lui imposer, à son insu, de nouvelles sujétions.
Or les textes fiscaux précisent que les titulaires successifs de l’autorisation de construire sont tenus solidairement au paiement des taxes d’urbanisme.
Bien que cet argument n’ait pas été repris dans le corps du jugement, il constitue également une solide justification de la position prise par le Conseil d’Etat.
Cette solution pourrait poser problème si elle aboutissait à une situation de blocage, et à un véritable gel du terrain concerné, tant que le permis initial n’est pas périmé.
Mais la jurisprudence admet que deux permis de construire puissent être délivrés sur le même terrain à deux maîtres d’ouvrage distincts, le second permis n’entraînant pas alors retrait du premier.
L’absence d’accord du titulaire du permis initial pour transférer ce permis à une personne ayant des droits sur ce terrain ne fait donc pas obstacle à la délivrance d’un permis de construire à cette dernière.
Il est vrai que l’évolution des règles d’urbanisme peut être telle que la délivrance d’un second permis, même pour un projet relativement identique au projet autorisé par le premier permis, puisse alors s’avérer impossible pour des raisons de fond.
Même si tel n’est pas le cas, la première motivation du demandeur du transfert vient le plus souvent du caractère définitif du permis en cause. En demander un nouveau exige du temps, et surtout ouvre à nouveau des délais pour le recours ou le retrait.
Dans un bon nombre de cas de figure, la solution peut venir du droit privé : lorsqu’un propriétaire consent une promesse de vente, donnant par là même un titre permettant au bénéficiaire de la promesse de demander un permis de construire, rien n’empêche le promettant d’organiser ses garanties en insérant dans la promesse une clause selon laquelle le propriétaire sera mandataire du bénéficiaire de la promesse de vente pour donner son accord à un transfert du permis, pour le cas où la promesse de vente ne se réaliserait pas.
Cette clause réglerait le problème de l’indemnisation des frais exposés pour la constitution du dossier de demande de permis de construire.
L’accord du titulaire du permis est donc une des conditions de la légalité du transfert de ce permis.
Mais une autre condition doit être respectée : le demandeur du transfert doit justifier d’un titre l’habilitant à construire sur le terrain d’assiette du projet autorisé par le permis.
En l’espèce, le problème ne se posait pas puisque le demandeur du transfert était devenu propriétaire du terrain, à la suite d’une adjudication.