Le principe de précaution ne s’applique pas en droit de l’urbanisme.
Au nom de l’indépendance des législations, l’autorité administrative n’a pas à prendre en compte le principe de précaution « lorsqu’elle se prononce sur l’octroi d’une autorisation délivrée en application de la législation sur l’urbanisme ».
« Considérant que l’autorité administrative ne peut légalement s’opposer, sur le fondement de l’article R. 422-9 du Code de l’urbanisme, à la réalisation de travaux qui font l’objet d’une déclaration sur le fondement des articles L. 422-1 et R. 422-2 du même code que si des dispositions ou servitudes d’urbanisme font obstacle à leur réalisation, ou si elle fait application des règles nationales d’urbanisme prévues par les articles R. 111-1 et suivants du même code ; qu’en revanche, elle ne peut s’y opposer pour des motifs tenant à l’application d’autres législations ;
Considérant que, pour annuler le jugement du 15 mai 1997 du Tribunal Administratif de Nice et la décision du 26 juin 1996 du maire de Cagnes-sur-Mer de ne pas s’opposer aux travaux de construction d’une station radio-électrique de base, déclarés par la Société Bouygues Telecom, la Cour Administrative d’Appel de Marseille s’est fondée sur ce que le maire de Cagnes-sur-Mer, en ne s’opposant pas à ces travaux, a méconnu le principe de précaution alors énoncé à l’article L. 200-1 du Code rural et désormais repris à l’article L. 110-1 du Code de l’environnement ; que, toutefois, ces dispositions ne sont pas au nombre de celles que doit prendre en compte l’autorité administrative lorsqu’elle se prononce sur l’octroi d’une autorisation délivrée en application de la législation sur l’urbanisme ; qu’il suit de là que la Cour, en jugeant que le principe de précaution pouvait légalement justifier une opposition à travaux sur le fondement de l’article R. 422-9 du Code de l’urbanisme, a entaché d’erreur de droit l’arrêt attaqué, dont la Société Bouygues Telecom est dès lors fondée à demander l’annulation ; (…) »
Note de M. Lilian BENOIT :
L’application du principe de l’indépendance des législations en droit de l’urbanisme n’est pas une nouveauté.
En droit de l’environnement, le permis de construire n’a pas pour objet de vérifier le respect de la législation relative aux installations classées : est donc inopérant, en matière de contentieux du permis de construire, le moyen tiré de la méconnaissance de cette législation (CE, 27 juill. 1979).
Cet arrêt du 20 avril 2005 a tout d’abord l’intérêt d’énoncer ce point en principe : c’est l’objet du premier « Considérant » qui, s’il intéresse l’autorisation de travaux, peut évidemment être transposé au permis de construire.
Le second et principal intérêt de l’arrêt est de retenir la méconnaissance de ce principe de l’indépendance des législations pour annuler un arrêt dans lequel la Cour Administrative d’Appel avait appliqué en droit de l’urbanisme le principe de précaution, en estimant qu’un maire avait méconnu ce dernier principe en ne s’opposant pas à l’édification d’une antenne relais à proximité immédiate d’habitations.
La solution adoptée par la Cour avait déjà été remise en cause par une série d’arrêts dans lesquels le Conseil d’Etat, estimant sérieux le moyen d’annulation tiré de la méconnaissance de l’indépendance des législations, avait annulé des ordonnances de juges de référés rejetant des demandes d’annulation de décisions s’opposant, cette fois, à des travaux de même nature en se fondant sur le principe de précaution (CE, 22 août 2002).
Le principe de précaution n’a donc pas à être pris en compte par l’autorité administrative « lorsqu’elle se prononce sur l’octroi d’une autorisation délivrée en application de la législation sur l’urbanisme » : l’arrêt du Conseil d’Etat le cantonne donc au droit de l’environnement et à la matière voisine de la santé où son application a déjà été illustrée (CE, 24 févr. 1999).