Le Conseil d’Etat rappelle, dans un arrêt du 2 février 2004, la possibilité de régulariser un permis par un permis modificatif respectant la réglementation. En toute logique, ce mécanisme fait obstacle à ce que soient invoquées les anciennes irrégularités à l’encontre du permis initial.
En l’espèce, le premier permis était entaché du défaut d’accord obligatoire de l’Architecte des Bâtiments de France, mais cet accord était intervenu pour le permis modificatif. Le Conseil d’Etat a ainsi jugé : « Considérant que lorsqu’un permis de construire a été délivré en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l’utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance des permis de construire, l‘illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d’un permis modificatif dès lors que celui-ci assure le respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédé de l’exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises ; que les irrégularités ainsi régularisées ne peuvent plus être utilement invoquées à l’appui d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis initial ».
Note :
Cette décision démontre encore tout l’intérêt de distinguer un permis de construire modificatif d’un nouveau permis, ce qui n’est pas toujours évident en pratique. Il convient ici de rappeler une solution ancienne (Cass. Crim. 26 février 1964) selon laquelle ce mécanisme n’est pas applicable aux infractions pénales. En effet, un permis de régularisation n’entraîne pas leur disparition. Néanmoins, en ce qui concerne les éventuelles mesures de destruction décidées par le juge judiciaire (en principe, seul compétent pour ordonner la démolition sur le fondement de l’article L480-5), l’état du droit est plus nuancé. En effet, la Cour de cassation estime que dans ce cas de figure, la « demande de démolition serait sans objet« , (Cass. Civ. 3e, 12 février 2003).
Cette solution se situe dans la logique de la décision du 18 juin 1997 « Leloup » de la chambre criminelle de la Cour de cassation. A cet égard, dans le cadre d’une construction édifiée sans permis, si la délivrance ultérieure d’un permis tacite ne fait pas disparaître l’infraction, pour autant aucune mesure de démolition ne peut être prononcée tant que le juge administratif n’a pas constaté en excès de pouvoir l’illégalité du permis. Néanmoins, la mesure de destruction peut être justifiée si la construction n’est pas régularisable (Cass. Crim. 20 juin 2000). Cette logique s’applique aussi dans le cadre d’une action en responsabilité civile en ce que le juge civil ne pourra condamner du fait de la violation des règles d’urbanisme ou des servitudes d’utilité publique tant que le permis ne sera pas déclaré illégal par le juge administratif (Cass. Civ. 1e, 21 novembre 1978).
L’autre intérêt de la décision se situe sur l’obligation en matière de contentieux de l’urbanisme, pour le juge de première instance, de répondre à tous les moyens : « Considérant (…) que le Tribunal Administratif n’a pas répondu à ces moyens ; qu’il s’ensuit qu’il y a lieu d’annuler son jugement« .
La loi du 13 décembre 2000 instituant le nouvel article L. 600-4-1 a marqué la fin de l’économie des moyens. Cela signifie que dans le cadre d’un rejet au fond, le juge de première instance est obligé de justifier du mal fondé de tous les moyens invoqués par le demandeur. L’objectif était d’ici mettre fin au jeu du « chat et de la souris » : invocation d’une partie des moyens/annulation/nouvel acte/nouveaux moyens…
Le Conseil d’Etat intervenait en tant que juge d’appel. Cette décision pose une obligation en matière de contentieux de l’urbanisme pour le juge d’appel de répondre à tous les moyens qui ont fondé l’annulation en première instance. Il n’aura pas à répondre à tous, si un moyen au moins justifie l’annulation.