La possibilité, pour le juge des référés, de suspendre les effets d’une décision administrative est subordonnée à la condition que l’urgence le justifie (C. just. Adm. Art. L 521-1).
Il résulte de la jurisprudence qu’une telle urgence est établie lorsque la décision dont la suspension est sollicitée porte atteinte aux intérêts en cause « de manière suffisamment grave et immédiate« .
Le Conseil d’Etat vient de juger que, dans le cas où la demande de suspension porte sur une autorisation d’ouverture d’un magasin à grande surface, ni l’imminence de l’ouverture au public du magasin ou du centre commercial autorisés, ni la perspective d’une concurrence accrue entre grandes surfaces ne peuvent à elles seules caractériser une situation d’urgence.
Pour que cette situation soit établie, il faut que le demandeur démontre notamment la gravité de l’atteinte portée à sa situation économique – qui peut être différente selon qu’il s’agit de l’exploitant d’une petite entreprise de commerce particulièrement exposée à cette concurrence nouvelle ou au contraire d’une société de grande distribution déjà fortement implantée – ou aux intérêts publics en cause (par exemple, projet conduisant à créer une situation quasi monopolistique au profit de l’auteur du projet).
Note :
La notion d’urgence, condition essentielle à l’obtention en référé de la suspension d’une décision administrative, n’est pas définie par la loi.
Ses contours ont donc été fixés par la jurisprudence : l’existence d’une telle situation se déduit de la combinaison de deux critères qui sont la gravité et l’imminence des effets de la décision contestée sur les intérêts en présence.
Dans une décision antérieure, le Conseil d’Etat avait jugé que l’ouverture d’un magasin à grande surface, susceptible de concurrencer l’activité de plusieurs commerçants installés à proximité, était de nature à porter gravement préjudice aux intérêts économiques d’au moins certains d’entre eux et que l’imminence des conséquences de la décision résultait notamment de ce que le permis de construire nécessaire au fonctionnement de l’établissement avait déjà été délivré (CE 27-6-2001).
L’arrêt du 19 Septembre 2003 du Conseil d’Etat semble marquer un revirement dans l’application des critères de l’urgence, puisqu’il en résulte que l’ouverture d’un magasin à grande surface susceptible de concurrencer des commerçants déjà installés ne revêt pas en soi un caractère suffisamment grave et que la condition de l’urgence n’est donc pas satisfaite même si cette ouverture est imminente.