La perte de la qualité de propriétaire n’entraîne pas l’invalidité du permis de construire
Note de Mme Marie-Christine de MONTECLER :
Le Conseil d’Etat abandonne, par un arrêt du 19 juin 2015, la jurisprudence aux termes de laquelle la perte de la qualité de propriétaire par le pétitionnaire d’une autorisation d’urbanisme, postérieurement à la délivrance de celle-ci, entraînait l’annulation de cette autorisation.
En l’espèce, la commune avait obtenu une déclaration d’utilité publique (DUP) en vue de la construction d’une gendarmerie.
Sur recours des propriétaires du terrain exproprié, la Cour Administrative d’Appel avait annulé la DUP et, subséquemment, le juge judiciaire avait constaté que la décision d’expropriation était privée de base légale.
Parallèlement, les propriétaires avaient engagé un recours contre le permis de construire.
Se prononçant après le juge judiciaire, la Cour Administrative d’Appel a prononcé l’annulation de cette autorisation.
Sur pourvoi de la commune, le Conseil d’Etat rappelle les dernières évolutions de la jurisprudence sur la théorie du propriétaire apparent : l’administration n’a pas à vérifier, sous réserve de la fraude, la validité de l’attestation par laquelle le pétitionnaire affirme avoir qualité pour solliciter une autorisation.
Toutefois, lorsqu’elle dispose d’informations faisant apparaître que tel n’est pas le cas, elle doit refuser la demande.
La section ajoute « qu’il en est notamment ainsi lorsque l’autorité saisie de la demande de permis de construire est informée de ce que le juge judiciaire a remis en cause le droit de propriété sur le fondement duquel le pétitionnaire avait présenté sa demande ».
Le juge considère ensuite « qu’en revanche, la seule circonstance que le pétitionnaire perde, postérieurement à la délivrance du permis de construire, fût-ce à titre rétroactif, la qualité au titre de laquelle il avait présenté la demande de permis de construire n’est pas par elle-même de nature à entacher d’illégalité le permis de construire ; qu’il en est notamment ainsi lorsque, postérieurement à la délivrance du permis de construire, une décision du juge prive à titre rétroactif le bénéficiaire de la qualité de propriétaire du terrain sur le fondement de laquelle il a, au titre du a) de l’article R. 423-1 du Code de l’urbanisme, présenté sa demande, ou lorsque la déclaration d’utilité publique sur le fondement de laquelle il a, au titre du c) de l’article R. 423-1, présenté sa demande est annulée pour excès de pouvoir« .
C’est donc à tort que la Cour Administrative d’Appel a jugé que la société, mandatée par la commune pour construire la gendarmerie, devait être regardée comme n’ayant jamais eu qualité pour présenter une demande de permis.