C.E. 17 Novembre 2004

La suspension d’une décision de préemption aux prix et conditions mentionnés dans la Déclaration d’Intention d’Aliéner (DIA) permet de faire obstacle à la prise de possession par le titulaire du droit de préemption et au transfert de propriété à son profit.

Note de M. Philippe BENOIT-CATTIN :

A réception d’une DIA, le Conseil Municipal décidait d’exercer son droit de préemption, aux prix et conditions indiquées, par délibération du 24 février 2004. Le 1er mars, le vendeur faisait connaître à la commune qu’il renonçait à l’aliénation de ce bien pour convenances familiales et, devant l’inertie de la commune à lui répondre, saisissait le juge des référés aux fins d’obtenir la suspension de la décision de préemption.

Le juge des référés du Tribunal Administratif refusait d’y faire droit au motif que, du fait de la renonciation du vendeur à aliéner l’immeuble, la condition d’urgence n’était pas remplie.

Il y avait manifestement erreur de droit, le vendeur ne pouvant, selon le Code de l’urbanisme, renoncer à l’aliénation que dans l’hypothèse où le droit de préemption s’exerce à un prix différent (C. urb. art. R. 213-10). La renonciation non acceptée par la commune étant sans effet, le Conseil d’Etat annule l’ordonnance :

« Considérant qu’en se fondant sur cette seule circonstance (l’intention du vendeur de renoncer à l’aliénation projetée), qui n’était pas par elle-même de nature à faire légalement obstacle à la prise de possession et au transfert de propriété du bien préempté au bénéfice de la collectivité publique titulaire du droit de préemption, dès lors que celle-ci avait donné un accord définitif sur le prix, le juge des référés a commis une erreur de droit ».

La décision de préemption n’est donc pas dépourvue d’objet et produit ses effets attendus, transfert de propriété et prise de possession.

S’agissant de la prise de possession, l’article L. 213-15 du Code de l’urbanisme est clair : l’ancien propriétaire conserve la jouissance du bien jusqu’au paiement intégral du prix.

Nul ne conteste que le transfert de propriété est un effet de la vente découlant de l’exercice du droit de préemption et non un effet direct de la décision de préemption qui, par sa nature et par elle-même, est impuissante à provoquer le déplacement de la propriété, même dans l’hypothèse de l’article L. 213-7.

La seule difficulté réside dans la détermination du moment où se forme le contrat de vente.

Le juge judiciaire applique sans hésitation le droit commun issu de l’article 1583 du Code civil lorsqu’il est saisi du problème (CA Montpellier, 4 nov. 2003, jugeant que le transfert de propriété s’est opéré à la date de notification de la décision de préemption).

Le juge administratif – l’arrêt commenté le montre – adopte une position différente quand il souligne que la suspension de la décision de préemption « a pour conséquence de faire obstacle à la prise de possession et au transfert de propriété du bien préempté au profit du titulaire du droit de préemption« .

Source : Construction-Urbanisme, Mars 2005, page 19