L’annulation de la délibération d’un conseil municipal décidant la préemption d’un bien n’a pas pour effet de mettre fin au droit de propriété de la commune sur ce bien, mais implique seulement que celle-ci prenne toute mesure pour mettre fin aux effets de la décision annulée.
Note de M. Philippe BILLET :
Appelé à juger de la légalité d’une décision de préemption dont le bénéficiaire avait, postérieurement à cette décision, conclu une transaction avec les acquéreurs initiaux impliquant qu’ils renoncent à leurs droits sur le bien, le Conseil d’Etat a été conduit à préciser les effets de l’annulation de la décision de préempter.
Pour rappel, « l’annulation par je juge de l’excès de pouvoir de l’acte par lequel le titulaire du droit de préemption décide d’exercer ce droit emporte pour conséquence que ce titulaire doit être regardé comme n’ayant jamais décidé de préempter » (CE, 26 févr. 2003).
La privation de base légale de la préemption devrait avoir pour effet « instantané » de remettre les parties en l’état et faire comme si rien ne s’était passé : l’acte annulé pour excès de pouvoir est réputé n’être jamais intervenu (CE, 26 déc. 1925).
Il faut reconstituer la situation comme si la préemption n’avait pas eu lieu, impliquant que l’acquéreur évincé se retrouve en position d’acquérir le bien et le propriétaire, le cas échéant, de le céder.
C’est cependant sans compter avec les particularités du droit de préemption qui font obstacle à ce que le propriétaire du bien préempté se retrouve seul face à l’acheteur initial, et avec les contingences de l’intérêt général, que le Conseil d’Etat invoque à l’envi pour temporiser les effets de sa décision.
Et celui-ci de juger que « cette annulation implique nécessairement, sauf atteinte excessive à l’intérêt général appréciée au regard de l’ensemble des intérêts en présence, que le titulaire du droit de préemption, s’il n’a pas entre-temps cédé le bien illégalement préempté, prenne toute mesure afin de mettre fin aux effets de la décision annulée » (CE, 26 févr. 2003).
L’arrêt du 17 mai 2006, s’il ne reprend pas la question de l’intérêt général, apporte une précision : cette annulation « n’a pas pour effet de mettre fin au droit de propriété de la commune sur ce bien« .
En raison de l’accord sur la chose et le prix (immédiat dès la préemption ou différé après la fixation du prix par le juge judiciaire), le transfert de propriété est opéré de plein droit à la date de l’exercice du droit de préemption (ou de l’acceptation du prix fixé par le juge judiciaire, le cas échéant), indépendamment de la confirmation par acte authentique (Cass. 3e civ., 2 juin 1999).
La commune est devenue propriétaire et l’annulation de la préemption ne suffit pas à lui faire perdre ce titre : il est nécessaire pour l’acquéreur évincé comme pour le propriétaire de saisir le juge judiciaire pour faire constater la nullité de la vente (TA Lyon, 24 avr. 1996). Il peut être fait injonction à la collectivité bénéficiaire de la préemption de saisir le juge judiciaire aux fins de faire constater la nullité de la vente intervenue et qui n’a plus de base légale (CAA Lyon, 22 déc. 1998).