L’intention de la commune de réaliser l’un des projets énumérés à l’article L. 123-1, 8° suffit à justifier un classement en emplacement réservé. Toutefois, si, compte tenu notamment de la durée d’un tel classement, cette intention apparaît dépourvue de réalité, le classement est entaché d’erreur manifeste.
Note de M. Jean-Claude BONICHOT :
1. Comme le rappelle Mme Maugüé, commissaire du gouvernement, le classement en emplacement réservé fait peser une lourde charge sur les propriétaires et le droit de délaissement n’est qu’une protection imparfaite. En même temps et, en quelque sorte, par nature même, il n’est pas dans l’esprit de ce mécanisme d’exiger de la collectivité publique, au moment où elle décide un tel classement, qu’elle ait un projet parfaitement défini. Le classement comme emplacement réservé fait ainsi partie de ces instruments qui sont l’expression même du caractère prospectif de la planification urbaine.
2. Un certain nombre de points ont d’ores et déjà été tranchés par la jurisprudence. Un emplacement ne peut être réservé que pour la réalisation de l’un des objets limitativement énumérés par l’article L. 123-1, 8° 5 et, ensuite, il ne peut recevoir qu’une utilisation de ce type. Lorsque le projet qui était à l’origine de la réserve a été abandonné, la réserve doit être levée.
3. La question posée dans l’arrêt rapporté était, sous cette forme, inédite : quel degré de précision, d’élaboration, doit avoir le projet de la commune pour justifier légalement un classement en emplacement réservé ? Quel contrôle convient-il d’exercer sur la réalité de ses intentions ? La réponse de l’arrêt est que la commune doit avoir la volonté de réaliser l’un des objets de l’article L. 123-1 et que cette volonté doit être réelle. Volonté ou intention : c’est le but recherché qui est essentiel et, au moment où est décidé le classement, il n’est pas nécessaire que le projet soit, dans sa consistance, arrêté.
En revanche, il faut que l’intention soit réelle. Autrement dit, il n’est pas question d’entériner un classement, en quelque sorte, à toutes fins utiles ou par habitude, un classement qui, comme celui de l’espèce, se reproduirait un peu automatiquement de plan en plan.
Ici, le Conseil d’Etat censure l’emplacement réservé après avoir estimé, au vu d’un certain nombre d’indices convergents, que l’intention de la commune de réaliser un espace vert était désormais dépourvue de toute réalité : la réserve datait de 1955, le parti d’urbanisme apparaissait, avec une certaine évidence, avoir changé. L’erreur manifeste est retenue