C.E. 15 Mai 2006

Le calcul de l’indemnisation d’un propriétaire à la suite de l’annulation d’une décision de préemption doit prendre en compte la diligence de ce dernier pour réaliser la vente après la décision de justice.

Note de Mme Séverine BRONDEL :

Quand le propriétaire d’un bien illégalement préempté n’a pas été suffisamment diligent pour le vendre après renonciation, l’évaluation de son préjudice doit être fixée à la date de la décision de renonciation, a décidé le Conseil d’Etat dans un arrêt du 15 mai 2006.

En l’espèce, la commune avait lancé, avant de se désister, une procédure de préemption à l’égard d’un bien vendu 1.750.000 Francs par la société Fidéicomi.

Ce bien ne fut vendu que plus de deux ans plus tard et pour seulement 675.000 Francs.

La société a alors demandé réparation de son préjudice, ce qu’elle a obtenu en raison de l’illégalité de la décision de préemption. Elle fut ainsi indemnisée de la perte de valeur de son bien.

Saisi par la commune, le Conseil d’Etat annule l’arrêt de la Cour administrative d’appel en ce qu’il a mal évalué le préjudice.

En effet, la Haute assemblée considère « qu’à l’issue d’une procédure de préemption qui n’a pas abouti, le propriétaire du bien en cause peut, si la décision de préemption est entachée d’illégalité, obtenir réparation du préjudice qui lui a causé de façon directe et certaine cette illégalité ; que lors le propriétaire a cédé le bien après renonciation de la collectivité, son préjudice résulte en premier lieu, dès lors que les termes de la promesse de vente initiale faisaient apparaître que la réalisation de cette vente était probable, de la différence entre le prix figurant dans cet acte et la valeur vénale du bien à la date de la décision de renonciation ; que pour l’évaluation de ce préjudice, le prix de vente effectif peut être regardé comme exprimant cette valeur vénale si un délai raisonnable sépare la vente de la renonciation, eu égard aux diligences effectuées par le vendeur, et sous réserve que ce prix de vente ne s’écarte pas anormalement de cette valeur vénale ».

Le Conseil d’Etat ajoute « que le propriétaire (…) subit un autre préjudice qui résulte, lorsque la vente initiale était suffisamment probable, de l’impossibilité dans laquelle il s’est trouvé de disposer du prix figurant dans la promesse de vente entre la date de cession prévue par cet acte et la date de vente effective, dès lors que cette dernière a eu lieu dans un délai raisonnable après la renonciation de la collectivité ; qu’en revanche, lorsque la vente a eu lieu dans un délai ne correspondant pas aux diligences attendues d’un propriétaire désireux de vendre rapidement son bien, quelles qu’en soient les raisons, le terme à prendre en compte pour l’évaluation de ce préjudice doit être fixé à la date de la décision de renonciation« .

Source : AJDA, 20/06, page 1071