Inclusion dans le domaine public virtuel du bien dont l’affectation au service public est décidée et dont l’aménagement indispensable peut être regardé comme entrepris de façon certaine.
Note de M. Jean-Marc PASTOR :
Trente ans après la consécration de la théorie de la domanialité publique virtuelle, qui permet à un bien de bénéficier de la protection des principes de la domanialité publique dès l’instant où son propriétaire a prévu avec certitude de l’affecter à l’usage du public ou à un service public, le Conseil d’Etat démontre qu’il n’a pas l’intention d’abandonner cette théorie malgré l’entrée en vigueur du Code général de la propriété des personnes publiques.
L’article L. 2111-1 du Code fait pourtant désormais référence au critère de l’aménagement indispensable et le rapport de présentation de l’ordonnance du 21 avril 2006 relative à la partie législative de ce Code en déduisait que « c’est désormais la réalisation certaine et effective d’un aménagement indispensable pour concrétiser l’affectation d’un immeuble au domaine public, qui déterminera de façon objective l’application à ce bien du régime de la domanialité publique. De la sorte, cette définition prive d’effet la théorie de la domanialité publique virtuelle« .
Un arrêt du 13 avril 2016 infirme cette analyse.
En l’espèce, une commune a décidé d’aménager un plan d’eau artificiel destiné à la pratique d’activités sportives et de loisirs. Le préfet a pris un arrêté déclarant d’utilité publique et urgents les travaux d’aménagement du parc.
Plusieurs propriétaires expropriés ont alors assigné la commune devant le Tribunal d’Instance.
Ce dernier a sursis à statuer dans l’attente de savoir si les parcelles qui ont fait l’objet d’une expropriation relevaient ou non du domaine public de la commune.
Le Tribunal Administratif a jugé que la partie expropriée de ces parcelles ne faisait pas partie du domaine public.
La commune s’est pourvue en cassation et le Conseil d’Etat, dans un considérant de principe, juge que, « quand une personne publique a pris la décision d’affecter un bien qui lui appartient à un service public et que l’aménagement indispensable à l’exécution des missions de ce service public peut être regardé comme entrepris de façon certaine, eu égard à l’ensemble des circonstances de droit et de fait, telles que, notamment, les actes administratifs intervenus, les contrats conclus, les travaux engagés, ce bien doit être regardé comme une dépendance du domaine public« .
Dès lors, en jugeant que les terrains n’étaient pas incorporés au domaine public de la commune, sans rechercher s’il résultait notamment des travaux engagés, que l’aménagement indispensable à l’exécution des missions du service public auquel la commune avait décidé d’affecter ces terrains pouvait être regardé comme entrepris de façon certaine, le Tribunal Administratif a commis une erreur de droit.