Le juge administratif peut-il valider un refus de permis de construire par substitution de motif ?
Le juge peut, à la demande de l’administration, valider un refus de permis de construire fondé sur des motifs erronés dès lors que :
1. l’administration fait valoir un motif nouveau, relatif à la situation existant à la date de la décision attaquée et de nature à justifier le refus ;
2. que le juge constate que l’administration aurait pris la même décision en se fondant sur celui-ci ;
3. et que sa prise en compte ne prive pas l’intéressé d’une garantie de procédure.
Note de M. Jean-Claude BONICHOT :
En principe, une décision fondée sur un motif erroné doit être annulée.
Toutefois, le juge peut ne pas le faire si elle repose sur plusieurs motifs et qu’il résulte de l’instruction que l’administration aurait pris la même décision en ne se fondant que sur le ou les motifs valables.
Il rejettera aussi le recours si l’administration ne pouvait pas faire autrement que de prendre la décision qu’elle a prise, c’est-à-dire si elle avait une compétence liée, ce qui suppose qu’elle n’ait disposé d’aucun pouvoir d’appréciation.
En l’espèce, le refus initial de permis était fondé sur deux motifs erronés : l’un tenait au règlement de la zone NA, l’autre à la circonstance que les accès auraient été insuffisants pour les engins de lutte contre l’incendie.
Mais en appel, la commune avait fait valoir que le permis devait être refusé car le pétitionnaire n’avait pas produit d’acte établissant qu’il avait une servitude de passage sur le terrain voisin, le sien étant enclavé, ce qu’exigeait le règlement du plan d’occupation des sols.
Le Conseil d’Etat fait jouer la nouvelle jurisprudence (arrêt Hallal, 6 fév. 2004) : il admet ce motif nouveau, que pourtant la commune n’avait pas retenu, pour refuser le permis. Les conditions auxquelles est subordonnée une telle substitution sont les suivantes :
1°) le motif substitué doit être relatif à la situation de fait et de droit à la date de la décision attaquée et non pas résulter de circonstances postérieures ;
2°) il doit être établi que l’administration aurait pris la même décision en ne retenant que ce motif ;
3°) le requérant doit être mis à même de discuter cette substitution et ne doit pas être privé d’une garantie procédurale liée au motif substitué.
La substitution doit être proposée par l’administration et elle ne peut donc être opérée d’office par le juge. Cette technique contentieuse peut être utilisée pour les décisions les plus diverses, comme celles en matière de permis de construire ou de préemption.