Le Conseil d’Etat livre la grille d’analyse de l’intérêt pour agir des requérants en matière d’urbanisme au regard de la définition légale de celui-ci donnée par l’article L. 600-1-2 du Code de l’urbanisme.
Note de Rémi GRAND :
Il appartient au requérant contestant une autorisation d’urbanisme de préciser l’atteinte qu’il invoque pour justifier de son intérêt pour agir, le défendeur contestant cet intérêt étant alors tenu d’apporter tous les éléments de nature à établir que ces atteintes sont dépourvues de réalité.
Au vu de ces seuls éléments versés au contradictoire, le juge écartera les allégations qu’il estime ne pas être suffisamment étayées, mais sans exiger du requérant qu’il prouve la réalité des atteintes ainsi invoquées, juge le Conseil d’Etat.
Statuant pour la première fois sur la recevabilité d’une requête au regard de la nouvelle définition de l’intérêt à agir contre les permis de construire, d’aménager ou de démolir donnée par l’ordonnance du 18 juillet 2013, la Haute juridiction juge en effet qu’il appartient au requérant, dans cette hypothèse, « de préciser l’atteinte qu’il invoque pour justifier d’un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d’affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son bien ; qu’il appartient au défendeur, s’il entend contester l’intérêt à agir du requérant, d’apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité ; qu’il appartient ensuite au juge de l’excès de pouvoir de former sa conviction sur la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu’il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l’auteur du recours qu’il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu’il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci« .
Etait en l’espèce contesté un permis de construire une station de conversion électrique sur un terrain situé à environ 700 mètres de la maison des requérants.
Cette proximité, ainsi que la visibilité du projet depuis la maison des requérants, ne sauraient, « par elles-mêmes« , faire regarder la construction comme « de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance des biens des requérants« , juge le Conseil d’Etat.
Toutefois, il était également soutenu que la construction exposerait les requérants à des nuisances sonores, ces derniers avançant au soutien de cet argument qu’une station similaire située à 1,6 km était déjà à l’origine de telles nuisances.
La société bénéficiaire se contentant, en défense, d’affirmer que le recours à un autre type de construction et à une technologie différente permettrait d’éviter la survenance de telles nuisances, le Conseil d’Etat considère « que, dans ces conditions, la construction de la station de conversion électrique […] doit, en l’état de l’instruction, être regardée comme de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance des maisons d’habitation des requérants ».