C.E. 10 janvier 2001

Le délai de quinze jours imparti au requérant, sous peine d’irrecevabilité, pour notifier au titulaire et à l’auteur de l’autorisation est prolongé par une demande d’aide juridictionnelle. Ce n’est qu’une fois la décision du bureau d’aide juridictionnelle notifiée au demandeur que débute le délai de quinze jours posé par l’articleL.600-3.

Note de M. Laurent TOUVET :

1. On comprend le motif de la décision du Conseil d’Etat. Le droit au recours, qui a un caractère constitutionnel, prime sur la protection des titulaires d’autorisations de construire, fondée elle aussi sur un principe constitutionnel, le droit de propriété, mais sérieusement encadré – certains diront « restreint » – par les dispositions législatives du Code de l’Urbanisme.

Pour le Conseil d’Etat, ce droit au recours doit être effectif, c’est à dire que le requérant ait de réelles possibilités de l’exercer. Ce droit au recours risquerait de perdre ce caractère dans l’hypothèse où des requérants se verraient opposer une tardiveté sans avoir pu l’entrevoir, faute de pouvoir, pour des raisons matérielles, être assistés d’un avocat. Ce n’est qu’une fois cet avocat obtenu, s’ils remplissent les conditions – tenant d’une part à la modicité de leurs ressources, d’autre part au contenu de leur argumentation -, qu’ils seront censés être avertis, par un professionnel, de l’obligation de procéder aux notifications prévues par l’article L.600-3.

2. Cette décision, rendue contrairement aux conclusions du commissaire du gouvernement Stéphane AUSTRY, peut soulever des critiques.

Conçue pour protéger les droits des plus démunis – financièrement et juridiquement -, cette solution sera surtout utilisée par les requérants procéduriers qui désirent, comme l’avait dénoncé le Conseil d’Etat dans son rapport de 1992 dont est issu l’article L.600-3, fragiliser les autorisations d’urbanisme dans le but, parfois, de monnayer ensuite un désistement.

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La seule existence de cette échappatoire risque de réduire à néant l’objectif de sécurité juridique qui fondait la procédure – peu ordinaire en droit public, on en convient – de la notification du recours à l’auteur et au bénéficiaire de l’autorisation. Ce bénéficiaire, puisque c’est lui qui est le plus soucieux de la sécurité juridique de son autorisation, à moins qu’il ne s’agisse d’un document d’urbanisme, auquel cas c’est la collectivité qui est en première ligne, ne peut plus acquérir, une fois passé le délai de recours de deux mois auquel s’ajoutent les quinze jours impartis pour la notification, la certitude qu’aucun recours n’a été déposé. Il lui faut attendre le délai – indéterminé – de la notification de la décision d’aide juridictionnelle, augmenté du nouveau délai de recours de deux mois et du délai de quinze jours, pour rendre irrecevable tout recours. La décision du bureau d’aide juridictionnelle n’étant pas notifiée au bénéficiaire ou à l’auteur de l’autorisation, l’absence de notification d’un recours n’apporte aucune sécurité à ces parties potentielles au litige. Ce n’est qu’une fois cette notification reçue qu’elles sauront l’existence d’un recours. Mais l’absence de notification peut toujours risquer de cacher un recours assorti d’une demande d’aide juridictionnelle et d’un retard de l’instance compétente pour statuer sur cette demande.

Source : BJDU 2001 n° 1 page 61