C.A. VERSAILLES 4 Novembre 2004

Evacuation temporaire d’un immeuble pendant les travaux de désamiantage.

Si, pendant la durée du bail, le bien loué est totalement détruit à la suite d’un événement fortuit, le bail est résilié de plein droit sans qu’il y ait lieu à aucun dédommagement (C. civ. art. 1722).

Après avoir rappelé que l’impossibilité absolue et définitive d’user du bien loué conformément à sa destination ou la nécessité d’effectuer des travaux dont le coût excède la valeur de ce bien doivent être assimilées à la destruction totale du bien, la Cour d’appel de Versailles a jugé que les travaux de désamiantage qui devaient être effectués dans un immeuble loué ne justifiaient pas la résiliation de plein droit du bail par le bailleur, pour les raisons suivantes :

– la nécessité de ces travaux ne constituait pas un événement imprévisible pour le bailleur qui connaissait depuis plusieurs années la présence d’amiante dans l’immeuble et qui, en tant qu’investisseur professionnel, n’ignorait pas les risques présentés par ce matériau lors de sa dégradation et devait savoir, surtout depuis la mise en œuvre de la réglementation relative à la protection de la population contre les risques liés à une exposition à l’amiante, qu’il était susceptible à plus ou moins brève échéance de devoir effectuer des travaux de désamiantage ;

– les travaux d’une durée de trois mois autorisaient, après leur exécution, la réoccupation sans risque de l’immeuble si bien qu’une suspension du bail aurait suffi ;

– leur coût était très inférieur à la valeur de l’immeuble, étant précisé que seuls devaient être pris en compte les travaux strictement nécessaires à l’enlèvement de l’amiante à l’exclusion de ceux décidés par la copropriété en vue de la rénovation complète de l’immeuble.

Par suite, le bailleur a été condamné à rembourser au locataire le montant de son dépôt de garantie ainsi qu’à lui verser 160.000 Euros, à titre de dommages-intérêts.

Cette décision se situe dans le droit fil de la jurisprudence de la Cour de cassation pour laquelle la résiliation de plein droit du bail au sens de l’article 1722 du Code civil résulte soit de l’impossibilité absolue et définitive d’user des lieux loués conformément à leur destination, soit de la nécessité d’effectuer des travaux dont le coût excède la valeur de l’immeuble loué (Cass. 3e civ. 2-7-2003).

Au cas particulier, la Cour d’appel a pris le soin de préciser que les travaux de désamiantage ne constituaient pas un cas fortuit pour le bailleur mais cet argument était superflu car la Cour de cassation n’en tient pas compte.

Source : BRDA, 5/05, page 11