Le droit de préemption des SAFER peut s’exercer sur des terres agricoles ou à vocation agricole ; en revanche, il ne peut jouer à propos de surfaces boisées (art. 7, Loi n° 62933 du 8 août 1962). Qu’en est-il lorsqu’un terrain agricole n’est pas cultivé – ni même entretenu – pendant de longues années (en l’espèce trente ans) de sorte qu’ « un développement spontané arbustif y a généré un espace boisé » ? Telle est la question qu’il fallait trancher dans cette affaire.
Concrètement il s’agissait d’un vaste domaine que la Société française de production à laquelle il appartenait avait concédé à un exploitant de longues années auparavant en précisant qu’il n’aurait pas droit au statut du fermage. Ce « concessionnaire » avait, pour des raisons diverses, cessé d’exploiter et certaines parcelles laissées en friche s’étaient couvertes d’une végétation spontanée et étaient devenues « des bois par semis naturel ». A ce titre elles avaient intéressé « un célèbre avionneur » qui les avait achetées pour agrandir sa réserve de chasse. C’est contre cette vente que s’élevait la SAFER qui en demandait la nullité.
Pour trancher, il fallait donc savoir si l’on devait prendre en considération la situation réelle et actuelle ou la situation juridique de ces terres.
Après le tribunal, la cour de VERSAILLES considère que « la nature des fonds ou terrains doit être appréciée à partir de l’ensemble des éléments fixant le statut administratif et foncier desdits fonds ». Elle relève qu’à l’origine ces parcelles avaient été qualifiées de terres agricoles pour être concédées à un exploitant précaire et, que d’autre part l’administration des impôts les avaient classées « en terres et prés » sans que ce classement, modifié par la suite à titre temporaire, ait changé au moment de la vente. Elle ajoute que « l’évolution naturelle des lieux n’altère en rien la préexistence d’un fonds agricole ni la vocation agricole des terres » ; elle note enfin qu’il s’agit en fait « plus de friches et taillis que de véritables bois » et que leur remise en culture est facile.
Dans ces conditions, il ne lui restait qu’à prononcer la nullité de la vente faite au mépris du droit de préemption puisque la nullité en est la sanction de principe (V. art. L.412-12 c. Rur.), à laquelle peut s’ajouter l’attribution de dommages-intérêts.