C.A. VERSAILLES, 1er juillet 1999

Soigneusement motivé, cet arrêt est une bonne illustration de la position jurisprudentielle qui s’est dégagée à propos des conflits relatifs aux congés pour résiliation triennale.

La cour rappelle, d’abord, la solution imposée par la Cour de Cassation : « le congé qui n’est pas donné par acte extra-judiciaire est nul ; la substitution d’une lettre recommandée avec accusé de réception à l’acte extra-judiciaire imposé par les dispositions impératives dudit article 5 (décret du 30 septembre 1953) qui affecte la validité du congé, ne constitue pas un vice de forme au sens de l’article 114 du NCPC, dont les dispositions sont dès lors inapplicables ; il s’ensuit que celui qui peut invoquer la nullité du congé n’a pas à rapporter la preuve d’un grief ou d’un intérêt légitime ».

Mais elle relève, ensuite, par référence à l’article 1134, alinéa 3, du Code Civil, que la société bailleresse a manqué aux obligations de loyauté et de bonne foi imposées par ce texte en ne signalant pas à sa locataire l’irrégularité commise alors qu’en sa qualité de professionnel de l’immobilier, elle ne pouvait ignorer que cette irrégularité procédait d’une erreur dont elle était apte à mesurer les conséquences. La cour estime que l’abstention de la bailleresse « qui s’apparente à la réticence dolosive, révèle l’exploitation abusive qu’elle a voulu en faire, en méconnaissance de son obligation de coopération et d’information qu’elle se devait de mettre en oeuvre ». Elle juge que ce comportement est constitutif d’une faute génératrice d’un préjudice correspondant aux trois années de loyer que la société locataire a été amenée à payer. Elle condamne la bailleresse à verser à sa locataire la même somme à titre de dommages-intérêts.

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Cette décision est en parfaite harmonie avec la jurisprudence de la Cour Suprême qui affirme que la bonne ou mauvaise foi du destinataire du congé est indifférente à la validité de ce congé mais qui admet la mise en oeuvre de la responsabilité de ce même destinataire en raison notamment de ses compétences professionnelles (Cass. 3è civ., 13 janvier 1999).

Source : RDI 99 n° 4 page 694