Depuis le 1er janvier 2006, une entreprise peut demander l’ouverture d’une procédure de sauvegarde dès lors qu’elle justifie de difficultés qu’elle n’est pas en mesure de surmonter et qui sont de nature à la conduire à la cessation des paiements (C. com. art. L 620-1 nouveau).
L’assureur-crédit d’une société avait fait tierce opposition au jugement ayant ouvert en janvier 2006 une procédure de sauvegarde au bénéfice de celle-ci ; il soutenait que la société n’encourait aucun risque de cessation des paiements dans la mesure notamment où elle appartenait à un groupe prospère et venait de signer un contrat de partenariat lui permettant de retrouver sa rentabilité à l’issue des deux exercices suivants.
La Cour d’appel de Versailles a rejeté la tierce opposition et confirmé l’ouverture de la sauvegarde.
Note :
Cette décision, qui constitue l’une des premières applications de la loi de sauvegarde du 26 juillet 2005, apporte d’utiles précisions sur les conditions d’ouverture de la sauvegarde. Les difficultés invoquées par le débiteur sont appréciées :
– lorsque le débiteur est une société appartenant à un groupe, au regard de la situation de la seule société ; toutefois le comportement du groupe peut être pris en considération dans la mesure où il constitue une difficulté insurmontable (diminution ou rupture des crédits intra-groupe ; vote de distribution de dividendes disproportionnés par rapport aux résultats…) ;
– à la date où le tribunal statue, mais en ne tenant compte que des moyens dont le débiteur disposait à la date de sa demande.
Au cas particulier, l’assureur-crédit avait soutenu que le plan d’apurement du passif était lésionnaire pour les créanciers compte tenu de la situation de la société.
La Cour d’appel a répondu que seule l’ouverture de la procédure de sauvegarde était en cause et que le plan d’apurement, encore à l’état de proposition, était sans influence sur la question de savoir si les conditions d’ouverture de la sauvegarde étaient remplies.
Il est vrai que les voies de recours contre le jugement arrêtant le plan de sauvegarde sont étroitement ouvertes pour les créanciers, si bien qu’ils préfèrent former tierce opposition contre le jugement ouvrant la procédure.
En effet, les créanciers n’ont pas le droit, à titre individuel, de faire appel du jugement arrêtant le plan de sauvegarde, ce recours ne pouvant être exercé que par le mandataire judiciaire les représentant (C. com. art. L 661-1, I).
Une fois la procédure de sauvegarde ouverte, les créanciers disposent d’une option : soit ils participent à un comité de créanciers appelé à se prononcer sur les mesures de sauvegarde mais ils sont alors soumis à la loi de la majorité (C. com. art. L 626-30, al. 3 et art. L 626-31, al. 1) et ils ne peuvent plus faire tierce opposition contre le jugement arrêtant le plan (NCPC art. 583) ; soit ils refusent de participer audit comité et le tribunal peut alors leur imposer des délais de paiement et des remises après les avoir consultés (C. com. art. L 626-18) mais ils conservent la faculté de faire tierce opposition.