C.A. VERSAILLES 10 Avril 2012

Congé du bail : reprise pour habiter par une société civile immobilière (SCI).

Note de Mme Béatrice VIAL-PEDROLETTI :

Un propriétaire personne morale ne peut reprendre pour habiter, sauf s’il est une SCI familiale.

L’article 13 de la loi du 6 juillet 1989 autorise en effet le bailleur qui est une société composée entre parents et alliés jusqu’au quatrième degré inclus à effectuer une reprise au profit d’un associé.

Quid cependant si les parts de la société font l’objet d’un démembrement, un associé n’étant titulaire que de la nue-propriété d’une partie des parts, suite à une donation-partage ? Une reprise pour habiter peut-elle être effectuée au profit du nu-propriétaire des parts sociales ?

La question a déjà été posée à une Cour d’appel, qui y a répondu par l’affirmative, comme ici (CA Colmar, 11 juin 2007).

Au regard des conditions posées par l’article 13, la solution est justifiée puisque le texte exige sans plus de précision, que le bénéficiaire de la reprise ait la qualité d’associé.

Le locataire avait contesté cette qualité et obtenu gain de cause en première instance, sans que l’on sache exactement pour quelle raison.

Était-ce parce que la sœur n’avait pas la qualité à part entière d’associé, au motif qu’elle était en indivision sur ses parts avec sa mère et son frère ?

La Cour d’appel rectifie justement sur ce point, en observant qu’une indivision ne peut être associée, n’ayant pas la personnalité morale et que la sœur était bien associée.

Était-ce parce que le congé ne visait pas l’article 13 de la loi ?

Là encore, l’argument est rejeté car la loi n’impose pas cette mention dans le congé (Cass. 3e civ., 28 juin 2011).

Était-ce enfin parce que l’associé était seulement nu-propriétaire d’une partie du capital social ?

Effectivement, au regard des règles de l’usufruit et de la répartition des prérogatives entre l’usufruitier et le nu-propriétaire, il semble antinomique d’accorder le droit d’occuper le bien à une personne qui n’en a pas le pouvoir.

C’est en effet l’usufruitier et non le nu-propriétaire qui est titulaire du droit d’usage et de jouissance sur le bien.

Mais les statuts d’une société, qui plus est familiale, peuvent très bien convenir que le nu-propriétaire aura le droit d’habiter l’immeuble propriété de la société, que ce soit à titre gratuit ou onéreux.

Source : Loyers et copropriété, 6/12, page 15