C.A. ROUEN, 10 Décembre 2002

La créance de loyers et ses accessoires, et particulièrement ici le bénéfice du cautionnement, sont transmis au nouveau propriétaire de l’immeuble.

« Au regard de l’article 1692 du code civil, si la vente de l’immeuble provoque la cession du bail et non à proprement parler une cession de créance, il n’en demeure pas moins que les créances nées du bail lui-même sont transférées à l’acquéreur de l’immeuble.

Ainsi la créance de loyers et ses accessoires, et particulièrement ici le bénéfice du cautionnement, sont transmises au nouveau propriétaire.

Celui-ci, Société FIMD, a ainsi acquis avec l’immeuble la créance découlant du bail pour les loyers à venir et pour les obligations à respecter par le preneur avec les garanties qui les assortissaient dont ce cautionnement.

L’acte de caution avait pour objet l’engagement solidaire de la Société Sofal avec le locataire Elobeidi envers le bailleur, au titre du paiement des loyers de ce locataire s’il était défaillant pour cette obligation.

Même si le nom du bailleur, Société AGF, était bien sûr précisé dans l’acte de caution dans la mesure où le bail lui-même allait être souscrit quelques jours plus tard, il est néanmoins patent que la caution s’engageait bien pour une obligation pesant sur le locataire débiteur, et que la personne du bailleur lui était, dans ces conditions et logiquement indifférente. »

Note de Mme AVENA-ROBARDET :

C’est dit, la Cour d’appel de Rouen, juridiction de renvoi, ne se rangera pas à l’interprétation de la Cour de cassation : la substitution d’un bailleur à un autre ne libère pas la caution garantissant le paiement des loyers.

Les Hauts magistrats avaient pourtant jugé que, « à défaut de manifestation de volonté de la part de la caution de s’engager envers le nouveau bailleur, le cautionnement souscrit auprès du précédent bailleur ne peut être étendu en faveur du nouveau (Cass. Com., 26 oct. 1999).

Qualifiée de « bévue » par les uns (C. Larroumet), « d’injustifiée » et « inopportune (L. Aynès) ou encore d' »énigme » (Casey) par les autres, la décision de la Cour de cassation du 26 oct. 1999 a, c’est le moins que l’on puisse dire, provoqué l’émoi d’une doctrine unanime.

La décision de la juridiction de renvoi était donc très attendue.

Ce, d’autant plus que tous les commentateurs de la décision des Hauts magistrats avaient fourni au nouveau bailleur nombre d’arguments et que la Cour d’appel de Paris, le 23 févr. 2001, avait déjà fait connaître son désaveu.

Il ne s’agit pas ici de reprendre un à un les arguments qui ont été développés par les autres contre la décision de la Cour de cassation mais seulement d’énoncer l’essentiel des éléments retenus par les juges rouennais :

– sans parler de subrogation, la Cour d’appel de Rouen constate que, conformément à l’art. 1743 c. civ., la cession de l’immeuble emporte celle des droits et obligations résultant du bail. La relation contractuelle s’est donc poursuivie dans les mêmes conditions pour le locataire débiteur principal ;

– au regard de l’art. 1692 c. civ., si la vente de l’immeuble provoque la cession du bail et non à proprement parler une cession de créance, il n’en demeure pas moins que les créances nées du bail lui-même sont transférées à l’acquéreur de l’immeuble. Toute cession de contrat synallagmatique emporte cession des créances et des accessoires, dont le cautionnement.

– la caution s’engage pour une obligation pesant sur le locataire débiteur, la personne du bailleur lui étant alors totalement indifférente. Ce que relève Laurent Aynès en indiquant que la caution s’engage seulement en considération de la personne du débiteur et de données objectives (nature, étendue, modalités de la dette principale) ;

– si le cautionnement, comme l’affirme l’art. 2015 c. civ., ne peut être étendu au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté, ces limites ne portent pas sur la personne du créancier. Le changement de créancier n’a aucunement pour effet d’aggraver les engagements de la caution ;

– la caution reconnaît elle-même être engagée en tant que telle.

Aucun pourvoi n’a encore été formé à ce jour. Mais si tel devait être le cas, nous aurons sans doute la chance de connaître la position de l’Assemblée plénière. De beaux débats en perspectives…

Source : DALLOZ, 2003 n° 6 page 419