C.A. RIOM, 21 octobre 1999

En l’espèce, la Cour de cassation approuve la décision des premiers juges qui ont considéré que la construction en cause génère un trouble anormal à la propriété voisine, en diminuant son ensoleillement, gêne qu’il y a lieu de réparer, sans pour autant procéder à la démolition de l’immeuble considéré.

 

Note de Maître Dominique LARRALDE : M. MARRACCINI a entrepris l’édification, dans le courant de l’année 1993, d’un bâtiment à usage de garage implanté sur la limite séparant sa propriété de celle de Mesdames SAVARY et SENOBLE. Ces dernières ont saisi le juge judiciaire afin qu’il ordonne la démolition de cet ouvrage au motif que son élévation diminue l’ensoleillement dont bénéficiait antérieurement leur résidence. Une telle action se fonde sur la théorie, d’origine jurisprudentielle, dite des troubles anormaux de voisinage. L’exercice par un propriétaire du droit de construire, que lui reconnaît l’article 552 du Code Civil, devient générateur de responsabilité lorsque le trouble qui en résulte pour autrui dépasse la mesure des obligations ordinaires de voisinage. Il s’agit d’un régime de responsabilité sans faute, ou autrement qualifié de responsabilité objective.

L’appréciation du caractère anormal du trouble est du ressort du juge du fond, à qui il revient également de choisir le mode de réparation le plus approprié, qui peut aller jusqu’à la démolition de l’ouvrage cause du trouble. Peu importe que la construction objet du litige ait été autorisée par un permis de construire obtenu et exécuté régulièrement. En l’espèce, la CA de RIOM approuve en tout point la décision des premiers juges.

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« Attendu qu’il résulte du rapport d’expertise judiciaire ainsi que des photographies qui y sont annexées, que si la construction édifiée par M. MARRACINI l’a été conformément aux prescriptions du permis de construire qu’il a obtenu le 29 mai 1992,il n’en demeure pas moins que du fait de sa hauteur (8 mètres) et de l’ombre qu’elle projette sur la façade Sud de la propriété de Mesdames SAVARY et SENOBLE, cette construction diminue non seulement l’ensoleillement de la maison appartenant aux intimées, ce dans une proportion notable, mais également la vue sur le paysage avoisinant ; que l’expert judiciaire fait observer en outre en page 19 de son rapport « ces pertes d’agrément et la nouvelle présence d’un voisinage d’une grande pesanteur esthétique dans l’environnement immédiat de la maison Berinque (appartenant aux intimées) entraînent indiscutablement une diminution importante de la valeur vénale de la propriété, même si des palliatifs partiels (écran végétal, plantes grimpantes) peuvent être envisagés.

Attendu que c’est donc à bon droit que le tribunal a retenu l’existence d’un trouble anormal de voisinage qu’il a justement évalué à la somme de 50.000 F. »

La perte de la vue, ou de l’ensoleillement est un grief fréquemment avancé par un propriétaire désireux de conserver pour lui seul, la vue ou l’ensoleillement, dont il a parfois privé ses propres voisins, ou le public, mais il y a si longtemps… Le résultat d’une action ainsi fondée est aléatoire. Ainsi, « l’ensoleillement d’un immeuble et la vue sur le paysage ne peuvent pas en ville être immuables et faire l’objet d’une sorte de prescription acquisitive au bénéfice des propriétaires d’immeubles déjà construits » (CA POITIERS, 18 juin 1980).

Source : Construction-Urbanisme, mars 2000 page 22