C.A. RENNES 7 Mai 2015

Les dispositions du Code de la consommation relatives au crédit immobilier peuvent s’appliquer à des contrats conclus par des personnes morales d’autant plus si le contrat de crédit a été volontairement soumis à ces dispositions.

Note de M. Guy RAYMOND :

Une société civile immobilière (SCI) assigne des organismes de crédit aux fins d’obtenir, sur le fondement de l’article L. 313-12 du Code de la consommation, un délai de grâce d’un an, avec suspension du cours des intérêts, pour le règlement de deux prêts immobiliers souscrits auprès de ces organismes. Se pose, en l’espèce, la question de savoir si les dispositions contenues dans le Code de la consommation relativement au crédit immobilier, pouvaient s’appliquer à une SCI.

La Cour d’appel de Rennes considère que « aucune disposition du Code de la consommation sur les crédits immobiliers n’exclut les personnes morales autres que de droit public, de son champ d’application« . Sous l’empire des textes anciens, on pouvait en effet se poser la question de savoir si l’emprunteur dans un crédit immobilier au sens des articles L. 312-1 et suivants du Code de la consommation devait avoir la qualité de consommateur. En effet, l’article L. 312-2 du Code de la consommation ne fait pas référence à la personne de l’emprunteur. Il s’agit de financer une opération immobilière sans se soucier de la personnalité de l’emprunteur. Par ailleurs, l’acquisition d’un immeuble constitue plus un acte d’investissement qu’un acte de consommation et ceci explique sans doute les termes utilisés par le législateur dans l’article L. 312-3. Pourtant on retrouve la référence implicite au consommateur dans l’exclusion du financement des activités professionnelles du champ d’application des dispositions du Code de la consommation relatives au crédit immobilier.

Compte tenu des interrogations qui subsistaient à l’époque relativement aux personnes morales, la solution adoptée par la Cour d’appel de Rennes peut se comprendre même si elle ne nous paraît pas conforme à l’esprit du Code de la consommation.

Aujourd’hui, cette application du Code de la consommation à un contrat de crédit immobilier consenti à une SCI ne nous paraît plus admissible (V. CA Toulouse, 5 mai 2015). À moins que, et c’est un autre motif de la Cour d’appel de Rennes, ce contrat ait été expressément soumis aux articles L. 312-1 et suivants du Code de la consommation.

En effet, dans plusieurs décisions, la Cour de cassation a considéré que les parties étaient libres de soumettre aux dispositions du Code de la consommation des contrats de prêt à finalité immobilière qui, a priori, ne relèvent pas de ces dispositions.

Cette liberté des parties n’est limitée que par l’intention de frauder la loi pour faire échapper le prêt à des dispositions impératives ou par le « dépeçage« , c’est à dire que ce sont toutes les dispositions du Code de la consommation qui doivent s’appliquer et non quelques-unes d’entre elles choisies par les parties.

La Cour de Rennes relève que le contrat avait été expressément soumis aux dispositions du Code de la consommation. En conséquence, la SCI pouvait fonder sa demande de délai de grâce sur l’article L. 313-12 de ce Code, même si invoquer l’article 1244-1 du Code civil aurait évité une discussion sur l’application du Code de la consommation à une SCI.

Source : Contrats, conc., consom., 8-9/15, page 43