C.A. POITIERS 28 Janvier 2003

Il convient de rechercher l’intention des parties lors de l’établissement de la servitude ; l’expression « passage commun » dans l’acte de servitude implique la notion de « desserte » et donc la possibilité de faire passer les canalisations nécessaires aux besoins de la construction existant sur le fonds dominant.

Note de M. Daniel SIZAIRE :

Qu’une servitude de passage puisse permettre l’implantation de canalisations dans son emprise semble a priori normal. Cependant, il faut distinguer entre la servitude légale de passage en cas d’enclave et la servitude conventionnelle de passage.

Lorsqu’il s’agit de la servitude légale de passage de l’article 682 du Code civil, qui permet au propriétaire d’un fonds qui n’a sur la voie publique aucune issue ou une issue insuffisante pour son utilisation, de réclamer sur le fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer sa « desserte complète« , la question de savoir si la servitude permet l’implantation de canalisations donne lieu à une appréciation objective : un passage de canalisations est-il nécessaire à une utilisation normale du fonds enclavé compte tenu de la situation ? Dans ce cas, le propriétaire du fonds servant ne peut pas s’y opposer (Cass. 3e civ., 14 déc. 1977).

Lorsqu’il s’agit d’une servitude conventionnelle de passage, à ce facteur objectif s’ajoute l’appréciation de l’intention des parties lors de l’établissement de la convention. Une servitude conventionnelle de passage ne comporte pas nécessairement le droit d’établir des canalisations souterraines (Cass. 3e civ., 24 nov. 1999).

Il convient de rechercher si le droit de passage conventionnel s’étend à celui de faire passer des canalisations dans le sous-sol de l’assiette de ce passage (Cass. 3e civ. 16 déc. 1998). Ceci relève de l’interprétation souveraine des juges du fonds (Cass. 1re civ., 14 oct. 1963), ce dont l’arrêt de la Cour d’appel de Poitiers du 28 Janvier 2003 fournit un exemple.

En l’espèce, le titulaire d’une servitude conventionnelle de passage demande, en tant que tel, à se voir autorisé à installer au bout du chemin sur lequel s’exerce le droit de passage, en limite de la voie publique, un compteur d’eau et en sous-sol du chemin les canalisations nécessaires pour amener l’eau, notamment à un bâtiment édifié sur le terrain bénéficiant de la servitude, ce dont il avait été débouté par le Tribunal de Grande Instance.

En appel, le propriétaire du fonds servant faisait, à nouveau, valoir que l’enfouissement de canalisations constituerait une aggravation de la servitude de passage existant sur sa propriété.

Le demandeur, de son côté, faisait valoir que c’était là, à titre accessoire de sa servitude de passage, la conséquence normale de la nature et de la situation de l’immeuble dont il était propriétaire.

Pour la Cour d’appel, l’expression « passage commun » figurant dans l’acte qui définit le droit de passage en cause, apparaît plus large que la seule stipulation d’un « droit de passage » qui serait limité à la seule action de passer sur la partie en cause de la parcelle. Alors que l’expression « passage commun » implique aussi nécessairement, compte tenu notamment de la présence d’une maison et de ses dépendances agricoles sur le fonds dominant, la notion de desserte et dès lors celle de distribution de services, en ce compris le service de l’eau, pour la parcelle au profit de laquelle elle a été constituée.

Source : Construction-Urbanisme, Décembre 2003 page 17