Pour déterminer la responsabilité civile d’un locataire, dernier exploitant d’une installation classée, la Cour d’appel de Paris précise quel doit être le contenu de la remise en état lorsqu’à la suite d’une modification du plan local d’urbanisme, le terrain initialement destiné à un usage industriel est affecté à un usage de logement.
Note de Mme Mathilde BOUTONNET :
La société SAS Finelec Câblerie était propriétaire d’un site sur lequel son locataire, la société Paricâble, exploitait une installation classée.
Celle-ci a cessé son activité en 1993 mais n’a déclaré sa cessation à la préfecture qu’en octobre 2000 ; le procès-verbal de récolement a été délivré le 7 février 2001.
Entre temps, le site a été classé en zone constructible à usage d’habitation le 30 mars 1998 et le bailleur-propriétaire du terrain a conclu une promesse de vente le 27 juin 2000.
Or, alors que le dernier exploitant n’a effectué qu’une remise en état pour un usage industriel, le bailleur a dû davantage dépolluer en vue de l’affectation du site à un usage de logement, la vente n’étant entièrement réalisée qu’en 2003, date de la réception par l’acquéreur d’un courrier approuvant ce nouvel usage.
Le bailleur a fait valoir, en premier lieu, que le dernier exploitant a rempli son obligation administrative de remise en état de manière incomplète et déclaré avec retard la cessation de l’activité.
En second lieu, il estime que son locataire n’a pas respecté son obligation de remise en état du site en fin de bail.
C’est tout l’intérêt de l’arrêt que de rappeler comment le statut de dernier exploitant permet au propriétaire d’engager une action en responsabilité délictuelle.
Le dernier exploitant disposait alors d’un mois avant l’arrêt définitif de l’activité pour le notifier au préfet afin qu’il puisse apprécier les travaux de remise en état (D., art. 31-1-II).
Or, en l’espèce, ce délai ayant été largement dépassé, la Cour d’appel confirme la responsabilité civile au dernier exploitant en vertu de l’article 1382 du Code civil : le retard constitutif de faute a entraîné à la fois un préjudice car le propriétaire n’a pu entreprendre les travaux de dépollution supplémentaires qu’au terme de l’effectivité la remise en état administrative, dépendante quant à elle de la notification de la déclaration de la cessation d’activité, et une perte de chance de conclure une première vente.
Dorénavant, le délai de notification dont dispose le dernier exploitant est de trois mois et le préfet peut le mettre en demeure de mettre à l’arrêt définitif l’installation qui n’a pas été exploitée durant trois années consécutives (C. env. art. L. 512-19).
En revanche, le juge confirme l’absence de responsabilité du dernier exploitant concernant l’étendue de la remise en état.
L’exploitant s’était borné à effectuer une remise en état satisfaisant à un usage industriel, l’ancien propriétaire ayant alors assumé une plus grande dépollution pour rendre le terrain apte à la construction d’habitations.
La remise en état pour un usage industriel n’allait pas de soi car une modification du plan d’occupation des sols intervenue après la cessation d’exploitation de fait, mais avant la déclaration de cessation, classe le terrain en zone constructible.
Toutefois, les nouvelles dispositions issues du décret du 13 septembre 2005 pourraient nuancer cette pratique.
Selon l’article L. 512-17 alinéa 1 du Code de l’environnement, « lorsque l’installation est mise à l’arrêt définitif, son exploitant place son site dans un état tel qu’il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 et qu’il permette un usage futur du site déterminé conjointement avec le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d’urbanisme et, s’il ne s’agit pas de l’exploitant, le propriétaire du terrain sur lequel est sise l’installation« .
Le législateur a officialisé la prise en compte de l’usage futur, les divers intérêts étant appréciés et, parmi eux, ceux résultant des modifications des PLU.
Et si la date à laquelle les documents d’urbanisme doivent être appréciés n’est pas précisée, la notification de la cessation d’activité devrait être déterminante car c’est avec elle que naît la concertation et la procédure de remise en état.
L’absence d’accord entre ces personnes aura pour conséquence de cantonner la remise en état du site pour permettre un usage futur comparable à celui de la dernière période d’exploitation de l’installation mise à l’arrêt, ce qui limite toute prise en compte de documents d’urbanisme modifiant l’usage du site (C. env., art. L. 512-17, al. 2).
Mais l’article L. 512-17 alinéa 3 nuance cette hypothèse puisque « dans le cas où la réhabilitation prévue en application de l’alinéa précédent est manifestement incompatible avec l’usage futur de la zone, appréciée notamment en fonction des documents d’urbanisme en vigueur à la date à laquelle l’exploitant fait connaître à l’administration sa décision de mettre l’installation à l’arrêt définitif et de l’utilisation des terrains situés au voisinage du site, le préfet peut fixer, après avis des personnes mentionnés au premier alinéa, des prescriptions de réhabilitation plus contraignantes permettant un usage du site cohérent avec ces documents d’urbanisme« .
C’est cette fois la date de déclaration de l’arrêt de l’installation à laquelle doivent être pris en compte les documents d’urbanisme, ce qui devrait inciter le dernier exploitant à ne pas tarder à faire sa déclaration auprès du préfet.
Après la notification de la cessation de l’activité, les changements d’urbanisme sont sans incidence sur la remise en état.