En 1991, un industriel (Total) avait vendu à une Société d’Economie Mixte (SEM) un terrain de deux hectares situé près du Stade de France à Saint-Denis pour réaliser une opération de construction après démolition.
Total avait pris l’engagement d’assurer la « dépollution en surface du terrain ainsi que le dégazage des cuves et la mise sous eau de l’installation« .
En 1993, la SEM avait revendu à un promoteur 9.700 m² du terrain pour y réaliser 13.000 m² de Surface Hors Œuvre Nette (SHON) d’activités tertiaires, « le terrain devant être dépollué et décontaminé si nécessaire« .
Devant l’ampleur de la pollution, la SEM réclamait en 1996 la résolution de la vente de 1991.
Elle obtient gain de cause devant la Cour d’appel :
« Considérant (…) que les pollutions depuis 1930 ont provoqué une contamination des sols, des nappes superficielles et de la nappe phréatique, l’expert ajoutant que malgré les travaux de dépollution conduits en 1993-1994, le sous-sol reste pollué avec persistance d’hydrocarbures surnageant sur la nappe phréatique, concentration d’hydrocarbures totaux dans les sols excédant plusieurs grammes par kilo en certains points et présence de vapeurs explosives dans le sol ;
Que l’affirmation de Total Fluides selon laquelle la pollution serait profonde, limitée et stable est contredite par l’avis de l’expert sur sa remontée à un niveau inquiétant à partir de début 1995 ;
Que l’expert considère que la pollution actuelle du terrain ne permet pas d’envisager de procéder à l’édification de constructions dans des conditions normales de coût, de sécurité et d’hygiène ;
Considérant qu’en admettant que les investigations relancées en 1996 à la demande de l’Etat n’aient pas abouti à la mise en cause de Total pour une migration de la pollution vers le terrain acquis pour la construction du Stade de France à 600 m de distance et que des décisions aux fins de recherches complémentaires aient été annulées, il reste que Total Fluides n’a pas (…) satisfait à son obligation de vendeur en vue d’une opération de construction, (…)
Considérant en revanche que l’ampleur de cette pollution, non connue de Sem Plaine et à laquelle il ne pouvait être apporté remède par une simple dépollution de surface, d’ailleurs elle-même non pleinement réalisée, et dont la Sem Plaine, aménageur, qui acquérait auprès d’un exploitant nécessairement au fait des répercussions sur le site d’une activité consacrée au stockage d’hydrocarbures depuis de nombreuses années et informe des pollutions accidentelles venues s’ajouter à la pollution chronique, n’avait pas été informée, constitue un vice caché qui rend l’immeuble impropre à sa destination dès lors que toute construction reste risquée pour la santé ou la sécurité tant des participants au chantier que des futurs utilisateurs, ou possible seulement grâce à un surcoût que Sem Plaine n’était pas supposée avoir intégré dans son projet, (…)
Considérant que la vente du 23 décembre 1991 sera en conséquence résolue (…)
Considérant que le vice caché se répercute sur la promesse de vente consentie par Sem Plaine aux sociétés du groupe George V, le jugement étant confirmé en ce qu’il a prononcé la résolution de la promesse du 27 avril 1993 et ordonné la restitution à Sari Développement de 3,6 M € (…).
La Cour condamne le vendeur à restituer le prix du terrain et des bâtiments (44 MF au total) ainsi qu’à 14 MF de frais (frais d’actes, indemnité d’éviction, frais financiers…).
Elle condamne aussi l’acquéreur à rembourser le prix à son sous-acquéreur ».
Note :
Cette décision du 8 septembre 2004 de la Cour d’appel de Paris appelle plusieurs remarques :
– La Cour considère que le vendeur n’a pas satisfait à son obligation qui consistait à vendre un terrain dépollué, ce qui n’est pas contestable, puisque la pollution était démontrée et qu’il y était fait référence dans l’acte de vente.
Toutefois, il y a néanmoins vice caché car l’ampleur du vice est supérieure à celle qui était envisagée par l’acquéreur lors de la signature de la vente.
– L’acquéreur avait acquis le bien en 1991, divers diagnostics avaient été établis de 1993 à 1995, puis un nouveau en avril 1996.
L’acquéreur a assigné en décembre 1996, la Cour considère que l’acquéreur a agi à bref délai au sens de l’article 1648 du Code civil.
Le délai court, en effet ,à compter de la découverte du vice et non à compter de la vente.
– L’annulation de la première vente pour vice caché a pour effet de provoquer l’annulation de la deuxième vente.
Le prix étant restitué à l’acquéreur, qui doit lui-même rembourser son sous-acquéreur.