Doit être annulé pour défaut d’enregistrement dans les 10 jours de son acceptation, conformément à l’article 1840-A CGI, l’acte de vente d’un immeuble sous seing privé sous conditions suspensives avec faculté de substitution dès lors que la possibilité pour l’acquéreur de se substituer un autre acquéreur, au surplus en demeurant garant du paiement , est incompatible avec la conclusion d’un contrat de vente immobilière, contrat instantané qui se réalise par l’accord entre l’acquéreur et le vendeur sur la chose vendue et le prix.
Note de M. Patrice CORNILLE :
Voici une décision remarquable : elle qualifie un « compromis » conditionnel de vente immobilière contenant une clause de substitution au profit de l’acquéreur de promesse unilatérale de vente et l’annule en conséquence pour défaut d’enregistrement dans les 10 jours de son acceptation en tant que telle (CGI, art. 1840-A) ; la date de cette acceptation est simplement celle de la signature du « compromis » par les deux parties.
Depuis un arrêt (Cass. 3è civ., 7 juillet 1993), la cessibilité des promesses synallagmatiques de ventes conditionnelles paraît admise par la pratique sous couvert de la stipulation d’une clause de substitution dans l’acte et du respect des formalités de l’article 1690 du Code Civil, lors de l’exercice de la faculté de substitution de l’acquéreur.
Cette position paraît être défendue par la plus grande partie de la doctrine ; les auteurs subordonnent cependant la validité de la clause de substitution dans le « compromis » à la condition que le transfert de propriété de l’immeuble soit différé jusqu’à la signature de l’acte authentique. En effet, la clause de transfert différé de propriété a pour effet, selon les auteurs, de faire apparaître à la charge du vendeur une obligation de donner (obligation de transférer la propriété) dont l’exécution est suspendue jusqu’à la signature de l’acte authentique. Dans ce type de contrat, l’acquéreur n’étant pas, par hypothèse, « saisi » de la propriété de l’immeuble du fait de la conclusion du contrat peut se voir conférer la faculté, avant le transfert de propriété, de céder sa position contractuelle d’acquéreur à un tiers, sans que l’on puisse voir pour autant dans l’exercice de cette faculté une revente de l’immeuble.
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Il n’y a qu’un seul auteur qui se soit ouvertement déclaré opposé à cette conception du contrat de vente ; il s’agit de Monsieur le Professeur AYNES, pour lequel l’exécution de l’obligation de donner est nécessairement instantanée de sorte qu’il est impossible de la transmettre, sans que cette cession équivaut à une revente de l’immeuble par le cédant. En d’autres termes, ou bien la vente a entraîné le transfert de propriété, et dans ce cas l’exercice de la clause de substitution vaut revente de l’immeuble, ou bien le contrat n’a pas entraîné le transfert de propriété, et dans ce cas la clause de substitution est possible, mais le contrat qui la contient ne peut être qualifié de vente car il n’est pas translatif de propriété.
Il est incontestable que dans une vente immobilière, le vendeur promet de vendre et l’acheteur promet d’acheter. Or il paraît antinomique que l’acquéreur puisse promettre d’acheter tout en se réservant le droit de faire acheter par un tiers qu’il peut se substituer. S’il s’est réservé ce droit, c’est que l’acheteur ne promet pas d’acheter dans le « compromis » qu’il a signé. Donc, le seul qui se soit obligé dans le « compromis » considéré est le vendeur qui a promis de vendre. L' »acquéreur a seulement, en ce qui le concerne, accepté cette promesse de vente en tant que telle. On est donc bien en présence d’une promesse unilatérale de vente, à la seule différence qu’elle ne stipule pas explicitement de droit (ni de délai) d’option.
Les praticiens retiendront que le « compromis » conditionnel contenant une clause de substitution doit être enregistré par prudence (CGI, art. 1840-A), à peine de nullité. Dans la mesure du possible, par ailleurs, il faut mieux se dispenser de jouer les apprentis sorciers. Ceux qui en font l’usage savent que le « compromis » dépourvu de clause de substitution est déjà difficilement maîtrisable ; que dire alors, au vu de notre arrêt, d’un « compromis » contenant une clause de substitution ?