Un immeuble n’a pas été placé dès sa construction sous le régime de la copropriété dès lors qu’il a d’abord été la propriété d’une société d’attribution et que le bailleur de l’appartement est devenu propriétaire par l’effet de son retrait (partage) de ladite société ; dès lors, le locataire bénéficiait lors de la vente ultérieure de l’appartement du droit de préemption prévu par l’article 10 de la loi du 31 décembre 1975, aucune cession antérieure des parts représentant l’appartement n’étant prouvée. Les bailleurs n’ayant pas fait connaître au locataire les conditions de la vente projetée, en application du texte susvisé, et s’agissant de la première vente du lot après la division de l’immeuble, la vente doit être annulée mais le locataire n’est pas en droit d’obtenir sa substitution dans les droits de l’acquéreur.
Note de M. Patrice CORNILLE :
Cette décision, impeccablement motivée, ne peut qu’intéresser les administrateurs d’immeubles, les notaires et les avocats. Le droit de préemption du locataire d’habitation prévu par l’article 10 de la loi du 31 décembre 1975 ne joue que lors de la première vente suivant la mise en copropriété de l’immeuble, et à condition que celui-ci n’ait pas été placé sous le régime de la copropriété dès sa construction.
Le champ d’application de ce droit de préemption présente des difficultés redoutables, surtout lorsque, comme ici, l’immeuble a été construit sous le régime d’une société d’attribution, régie par la loi du 28 juin 138.
Dans une telle hypothèse, l’immeuble bien que régi par un état descriptif de division et un règlement de copropriété, appartient en totalité lors de sa construction à la société ; les associés (futurs ou plutôt quasi-copropriétaires) n’ont qu’un droit de jouissance sur leurs appartements au moyen de leurs droits d’associés. Les appartements peuvent être loués pendant cette période et, en cas de cession des parts, le locataire est placé en situation de préempter lesdites parts, ce qui n’avait pas été le cas dans la présente affaire.
…/…
La copropriété, au sens juridique du terme, ne naît qu’ensuite, souvent plusieurs années (dans notre affaire : 23 ans), après la construction de l’immeuble par l’effet du partage global de la société ou du retrait partiel d’un associé (CCH, art. L.212-9).
Ce n’est qu’à compter de l’un de ces deux événements que la vente de l’appartement loué, en tant qu’immeuble constituant un lot de copropriété, devient concevable ; c’est cette première vente de l’appartement après la naissance de la copropriété qui donne ouverture au droit de préemption du locataire, même si elle n’intervient, comme en l’occurrence, que 38 ans (!) après la rédaction du règlement de copropriété et l’établissement de l’état descriptif de division.