C.A. PARIS, 4 octobre 2000 (2 arrêts)

Un franchisé est propriétaire d’un fonds de commerce composé d’éléments lui appartenant en propre, notamment celui essentiel de la clientèle qui s’y rattache, laquelle est autonome par rapport à celle du franchiseur.

Il peut donc prétendre au bénéfice du statut des baux commerciaux (2 esp.).

Note de M. Jean DERRUPPE :

Ces deux arrêts, rendus le même jour, par la même juridiction dans deux affaires semblables sont importants. Ils ne manqueront pas de retenir l’attention de tous ceux qui s’intéressent au statut des baux commerciaux et à son domaine d’application. Ils reposent sur une nouvelle vision de la notion de fonds de commerce dans ses rapports avec la clientèle. Ils pourraient être le prélude à une remise en cause de solutions considérées comme acquises, mais qui étaient de plus en plus critiquées en raison de leur irréalisme.

La question est en effet, de savoir si les concessionnaires ou les franchisés qui exercent leur activité dans des bâtiments dont ils sont locataires peuvent prétendre au bénéfice du statut des baux commerciaux. Elle est très conséquente car c’est tout le secteur de la distribution intégrée par contrat de concession ou de franchise qui se trouve concerné.

La 16è chambre A de la Cour de PARIS a jeté le trouble et le désarroi dans les milieux de la franchise en décidant qu’un concessionnaire ou franchisé du loueur de véhicules AVIS ne pouvait pas prétendre au renouvellement de son bail car sa clientèle était de façon prépondérante, sinon exclusive, attirée par la marque de son concédant ou franchiseur. Faute de clientèle personnelle, il n’exploitait pas dans les lieux loués un fonds de commerce lui appartenant et ne pouvait donc pas bénéficier du statut des baux commerciaux (CA PARIS 16è ch. A 6 février 1996). La décision fut unanimement critiquée en raison de ses résultats. On y a vu une menace sur l’avenir des contrats de franchise. 

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Par les arrêts commentés, cette même juridiction adopte la position inverse. Elle retient qu’en principe un franchisé a une clientèle personnelle qui est le fruit de ses investissements et qui est lié à l’organisation qu’il met en place. Le contrat de franchise n’est qu’un maillon de cette organisation dont il est le créateur et dont il est légitime qu’il profite.

Il est aberrant de penser qu’un franchisé n’a pas de clientèle personnelle et autonome parce que l’attrait de ses clients provient essentiellement des prestations du franchiseur (marque, savoir-faire, conseil d’organisation, promotion publicitaire). Si ces avantages sont réels, il ne les acquiert pas pour rien. Ils lui sont personnels car ils sont la conséquence de son contrat de franchise. Ce contrat fait partie des éléments attractifs de sa clientèle au même titre que son droit au bail ou que les contrats de travail avec ses salariés. Cette clientèle est la sienne car il a la maîtrise juridique de ses supports.

Elle n’est pas celle du franchiseur parce que celui-ci en a en quelque sorte cédé le profit par le contrat de franchise. Les clients du franchiseur ce sont les franchisés et non pas les clients du franchisé.

Source : AJDI, mars 2001 page 244