La vente globale de l’immeuble ne saurait priver le locataire de son droit de préemption.
Note de Mme Béatrice VIAL-PEDROLETTI :
Si la loi du 31 décembre 1975 exclut le droit de préemption du locataire en cas de vente en bloc, il n’en est pas de même dans la loi du 6 juillet 1989.
L’article 15-II ne contient aucune restriction de la sorte si bien que la jurisprudence en a déduit que le propriétaire qui désire vendre la totalité de l’immeuble doit néanmoins limiter l’offre adressée au locataire au seul logement qu’il occupe et ventiler le prix de vente en conséquence.
Pour contourner le droit de préemption dans l’espèce soumise à la Cour d’appel de Paris, les propriétaires avaient choisi un autre biais juridique.
Ce n’était pas un congé pour vendre qui avait été notifié (tout au moins à titre principal) au locataire, mais un congé pour motif légitime et sérieux, le motif étant la vente de l’immeuble en entier.
La question de savoir si le désir de vendre ou d’habiter peut constituer un motif légitime et sérieux, alors qu’il s’agit de motifs de congé strictement réglementés par ailleurs, n’est pas résolue nettement par les tribunaux.
A propos de la vente en bloc d’un immeuble, un arrêt de la Cour d’appel de Paris avait admis dans le passé que le droit de préemption ne devait pas empêcher le bailleur de vendre en bloc et libre de tout occupant l’immeuble en vue d’une opération de rénovation (CA Paris, 6e ch. B, 19 déc. 1996).
C’est une solution inverse qui prévaut dans l’arrêt rendu par la 6e chambre C de la Cour de Paris puisque les juges affirment que la vente globale ne peut constituer un motif légitime et sérieux.
Il semble cependant que les juges auraient admis ce motif si le bien avait été vendu en vue d’une réhabilitation de l’immeuble.
- « Considérant que contrairement à ce que soutient la société Foncière et immobilière C., le congé ne pouvait être valablement délivré « en application de l’article 15-1 de la loi du 6 Juillet 1989 pour le motif légitime et sérieux suivant : vente par les propriétaires de la totalité de l’immeuble » puisque la vente de l’immeuble entier ne peut, en elle-même, avoir eu pour effet de priver un locataire de son droit de préemption cette vente globale n’étant pas un motif légitime et sérieux au sens du texte susvisé, sauf pour le cas où les vendeurs justifieraient de la légitimité et du sérieux de l’éviction des locataires, ce qui ne correspond pas au cas d’espèce, ni les consorts R., ni les trois société leur ayant acheté l’immeuble, ni la société Foncière et immobilière C., dernier acquéreur, n’ayant fait état d’un quelconque motif tenant à un projet concret de réhabilitation de l’immeuble ou, de tout autre projet présentant le double caractère susvisé.; »
Autrement dit, il semble résulter de cet arrêt que la vente globale n’est pas en elle-même un motif légitime et sérieux mais qu’elle peut le devenir si les raisons qui la justifient sont, elles, légitimes et sérieuses.