Nullité du cautionnement donné par une société civile immobilière.
Le gérant d’une société civile immobilière avait donné en location des locaux à une agence de voyage, fait cautionner par la société les obligations de l’agence envers un organisme de garantie collective (à hauteur de 99.000 € dans un premier temps et de 440.000 € trois ans plus tard).
L’organisme, appelé en garantie, se prévaut de ce cautionnement pour demander à la société le versement de 200.000 €. La société oppose la nullité du cautionnement en faisant valoir que celui-ci est contraire à l’objet social.
La Cour d’appel de Paris lui donne raison. Son gérant ne peut l’engager que par des actes entrant dans l’objet social (C. civ., art. 1849, al. 1), ce qui n’est pas le cas du cautionnement litigieux.
En effet, la société a pour objet l’acquisition, la gestion, la location et l’exploitation de toute propriété et, de manière générale, toute opération de nature à favoriser cet objet, pourvu qu’elle ne modifie pas la nature civile de la société et qu’elle ne soit pas commerciale.
S’il n’entre pas dans l’objet social, le cautionnement doit, pour être valable, résulter du consentement unanime des associés. La société conteste l’existence d’un tel consentement, ce que confirme la Cour d’appel.
Certes, par une délibération unanime, les associés ont donné dans un premier temps tout pouvoir au gérant en vue de souscrire un cautionnement des obligations de l’agence dans la limite de 99.000 €, ce pouvoir étant donné pour une durée d’un an renouvelable tacitement avec faculté de dénonciation ; néanmoins, on ne peut pas en déduire que le gérant était habilité à engager la société à hauteur de 400.000 € et que l’augmentation du plafond de la garantie ne modifie pas la nature de l’autorisation.
Ce dernier engagement est distinct du premier et ne saurait s’analyser en un simple renouvellement ne nécessitant pas de nouvelle autorisation. Les associés ne s’y sont d’ailleurs pas trompés puisqu’ils ont interrogé le gérant en ces termes : « lors de la signature du procès-verbal aux termes duquel la société s’était portée caution (…), est-ce que le gérant savait qu’il aurait fallu au préalable modifier les statuts ? Pourquoi le rapport du gérant vise-t-il [la clause statutaire sur l’engagement de la société par les actes entrant dans l’objet social] alors que l’objet social ne permet pas à la société de se porter garant ?«
En outre, le cautionnement litigieux n’est pas conforme à l’intérêt social. En effet, si la société et l’agence ont un dirigeant, des associés et un siège communs dans les locaux dont l’une est bailleresse et l’autre locataire, ces similitudes ne leur confèrent pas nécessairement un même intérêt.
Le cautionnement de 440.000 € a été donné sans contrepartie (les loyers ne pouvant pas en tenir lieu), avec toutes les conséquences possibles sur le patrimoine social, constitué des seuls locaux loués acquis au moyen d’un prêt, si bien que la société s’est exposée à la réalisation de tout son patrimoine. Peu importe à cet égard qu’elle ait disposé d’une trésorerie suffisante lorsque l’organisme a demandé l’exécution du cautionnement ou qu’elle ait été mise en liquidation judiciaire seulement trois ans plus tard.