Conditions de validité des clauses d’exclusivité des baux commerciaux.
Les clauses d’exclusivité des baux commerciaux doivent rester limitées et proportionnées aux intérêts protégés.
Cette affaire est révélatrice de la vive concurrence que se livrent les centres commerciaux sur le marché de la location de locaux commerciaux.
Pour atténuer cette concurrence, les baux commerciaux de ces centres contiennent souvent une clause intitulée clause « d’exclusivité« , ou « de non-concurrence« , ou encore « de non-rétablissement« , interdisant au preneur pendant la durée du bail, de s’intéresser directement ou indirectement à une activité similaire à celle prévue au bail et située dans un centre commercial concurrent.
En l’espèce, un centre commercial demandait à la Cour d’appel de Paris d’annuler une telle clause édictée dans le bail commercial consenti par un autre centre commercial à l’exploitant d’une enseigne nationale.
Le demandeur soutenait que cette clause était contraire à l’article L. 420-1 du Code de commerce et au principe de la liberté du commerce et de l’industrie.
La clause d’exclusivité n’est pas anticoncurrentielle en elle-même.
Selon la Cour, la conclusion de clauses d’exclusivité ne constitue pas par elle-même une entente anticoncurrentielle, si elle n’affecte pas la concurrence au-delà des restrictions qui peuvent être nécessaires pour assurer la rentabilité d’une activité, par exemple du fait de l’existence d’investissements spécifiques ou du caractère particulièrement risqué d’une activité.
Mais une telle clause peut constituer une entente prohibée par l’article L. 420-1 du Code de commerce, si elle a pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence sur le marché concerné par l’effet d’éviction constaté ou potentiel qu’elle comporte.
L’examen de la conformité de cette clause à l’article précédent revient à vérifier qu’elle n’instaure pas, « en droit ou en pratique« , une barrière artificielle à l’entrée sur le marché.
L’appréciation de l’effet d’éviction ou de verrouillage de la clause d’exclusivité.
Cette appréciation doit être faite principalement à partir des éléments suivants :
– le marché pertinent à savoir celui de la location d’emplacements commerciaux, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur l’existence d’un marché dit « au pied de l’immeuble« , distinct de la location d’emplacement dans les centres commerciaux ;
En l’espèce, la Cour considère qu’il existe une concurrence entre bailleurs de toute catégorie pour attirer les commerces de détail susceptibles de s’installer dans l’agglomération concernée.
– le champ d’application et la portée de la clause d’exclusivité par rapport au nombre de commerces liés par celle-ci, à son étendue géographique et à sa durée dans tous les cas examinés, seule la prise en compte du jeu cumulé de cette clause dans l’ensemble des baux du centre commercial en cause étant significative de son effet d’éviction ;
– le succès du centre commercial concerné et sa pérennité qui dépendent de l’attractivité, de la diversité et de l’harmonie des enseignes qu’il réunit ;
– l’existence de possibilités concrètes pour un nouveau concurrent de s’infiltrer dans le faisceau de baux du centre commercial considéré, ainsi que les conditions dans lesquelles s’accomplit le jeu de la concurrence sur le marché de référence, notamment le nombre et la taille des producteurs présents, le degré de saturation du marché et la fidélité de la clientèle aux marques existantes.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, la Cour d’appel estime qu’en l’espèce, la clause d’exclusivité litigieuse ne peut être qualifiée d’entente anticoncurrentielle.
La clause d’exclusivité n’est pas contraire au libre exercice du commerce si elle est proportionnée aux intérêts protégés.
La Cour reconnaît que cette clause apporte une restriction au principe de la liberté du commerce et de l’industrie.
Mais elle ajoute que si la restriction qui en résulte reste limitée dans son champ matériel, le temps et l’espace, cette clause ne constitue pas une atteinte disproportionnée au regard des intérêts légitimes qu’elle vise à protéger.
Elle conclut que tel est le cas en l’espèce et que cette clause n’est en conséquence pas contraire au principe de la liberté du commerce et de l’industrie.