C.A. PARIS, 3 juillet 2001

Bénéficie de l’action en réduction du prix prévue par l’article 46 de la loi du 10 juillet 1965, pour défaut de contenance supérieure au 1/20ème, l’acquéreur qui, bien que nourrissant des doutes sur l’exactitude de la contenance indiquée dans les actes et résultant du métré d’un géomètre professionnel, a néanmoins levé l’option et signé l’acte authentique de vente.

Note de M. Patrice CORNILLE :

L’arrêt ci-dessus se prononce avec précision sur l’une des multiples difficultés d’application possibles de l’article 46 de la loi du 10 juillet 1965, résultant de la loi n° 96-1107 du 18 décembre 1996, dite loi Carrez.

Il s’agissait d’un candidat à l’acquisition de son logement qui avait signé une promesse unilatérale de vente, pour un prix de 410.000 F, portant sur un studio dont la superficie indiquée dans le sous seing privé était de 50,67 m². Cette superficie résultait d’un « métré » réalisé par un géomètre professionnel. Le bénéficiaire de la promesse nourrissait des doutes sur l’exactitude de cette superficie, mais il avait tout de même levé l’option et signé l’acte authentique d’acquisition, lequel acte mentionnait aussi une superficie de 50,67 m².

Après la signature de l’acte authentique, l’acquéreur fait établir un second mesurage, par un autre professionnel, et ce mesurage révèle que le studio ne comprend que 40,43 m² de surface, soit un déficit de contenance de 10,24 m² !

C’est dans ces conditions que l’acquéreur est déclaré recevable et bien fondé, par l’arrêt commenté, à agir en réduction du prix dans le délai d’un an de la signature de l’acte authentique.

Le vendeur (et le géomètre coupable d’une erreur dans le métré initial) reprochait d’abord à l’acquéreur d’avoir accepté de signer l’acte authentique de vente alors qu’il nourrissait des doutes sur l’exactitude de la superficie mentionnée à la fois dans le sous-seing et dans l’acte notarié.

…/… 

La cour rejette clairement ce moyen de défense et fournit une solution que n’envisage pas l’article 46 issu de la loi Carrez :

« Considérant que si, en l’absence de toute indication de superficie dans l’acte préalable, la signature de l’acte authentique mentionnant la superficie prive l’acquéreur de toute action en nullité dudit contrat préalable, la loi n’étend pas cette disposition à l’action en réduction du prix ;
Qu’il ne saurait donc être reproché à (l’acheteuse) d’avoir signé l’acte authentique mentionnant la superficie initiale et donc en connaissance de l’erreur commise, d’autant qu’elle en ignorait l’étendue, puisqu’elle se considérait liée par la promesse sanctionnée par une indemnité d’immobilisation, qu’elle avait donné congé de son logement et qu’elle avait tenté, par son notaire, mais en vain de régler la difficulté ;
Que la faculté qu’elle avait de dénoncer la promesse ne fait pas obstacle à l’exercice de l’action en réduction ouverte à compter de la signature de l’acte authentique. »

L’article 46 susvisé prévoit seulement que la signature de l’acte authentique entraîne la déchéance du droit d’agir en annulation de la promesse ou du contrat préparatoire, fondée sur l’absence de mention de la superficie dans cette promesse ou ce contrat préparatoire ; rien, dans le texte considéré ne règle la situation dans laquelle l’acte authentique contient, comme le sous seing privé, une mention erronée de la superficie : dans ce cas, l’action en nullité dans le délai d’un mois de la signature de l’acte authentique est alors fermée, mais le texte ne fait pas obstacle à ce que l’action en réduction du prix demeure possible, et l’arrêt le confirme.

Au final, la cour condamne donc le vendeur à restituer à l’acquéreur la somme de 82.911,21 F (c’est à dire le prix au mètre carré, multiplié par les mètres carrés faisant défaut). Le vendeur est également condamné à restituer la somme de 8.600 F (correspondant aux frais de notaire payés indûment sur les mètres carrés manquants). Le géomètre responsable de l’erreur de mesurage est quant à lui condamné à garantir le vendeur de cette dernière somme et des frais irrépétibles.

On remarquera pour finir que la règle du « vingtième » prévue par l’article 46 de la loi du 10 juillet 1965 fonctionne comme un seuil de déclenchement de l’action en restitution partielle du prix, mais que cette restitution doit couvrir la totalité du prix correspondant aux mètres carrés faisant défaut, et non pas seulement ceux manquants au delà du « vingtième ».

Source : Construction-Urbanisme, décembre 2001 page 13