C.A. PARIS, 29 mars 2001

L’immeuble édifié en violation des règles d’urbanisme n’est pas inaliénable pour autant et sa vente est licite ; la construction sans permis de construire constitue un délit qui se prescrit par trois ans et, lorsque la prescription triennale est expirée, le propriétaire ne peut être inquiété du chef des travaux de construction réalisés de façon illicite ; il en résulte que l’acquisition du bien construit sans permis de construire plus de trois ans après la date d’achèvement des travaux ne peut, en soi et à elle seule, être constitutive d’un préjudice.

Note de M. Patrice CORNILLE :

Une SCI avait fait procéder à la transformation d’un garage en studios, sans avoir obtenu de permis de construire, entre le mois de novembre 1990 et le mois d’août 1991 ; par la suite, elle avait donné en location les studios jusqu’en 1994, puis les avait mis en vente. L’intimée avait acquis le studio litigieux par acte du 20 décembre 1994, soit plus de trois ans après l’achèvement des travaux.

Peu de temps après son acquisition, elle constate la survenance d’infiltrations dans son appartement ayant pour origine des fuites dans la toiture réalisée en méconnaissance des règles de l’art, ainsi qu’une inondation par le sol, en provenance de la courette privative située devant le studio et qui s’est produit en raison d’une contre-pente dans cette courette. Ayant agi en résolution de la vente pour dol, l’acquéreur obtient du juge de première instance l’annulation de la vente et la condamnation du vendeur à des dommages et intérêts, la SCI fait appel et obtient la réformation du jugement, sur la base des motifs ci-dessus ; l’acquéreur est donc contraint de conserver la propriété du studio, mais obtient toutefois la somme de 60.000 Francs à titre de dommages et intérêts pour le préjudice attaché aux travaux de remise en état nécessaires.

Il est permis de ne pas être d’accord lorsque l’arrêt indique :

« La construction sans permis de construire constitue un délit qui se prescrit par trois ans et (…) lorsque la prescription triennale est expirée, le propriétaire ne peut être inquiété du chef des travaux de construction réalisés de façon illicite. »

L’affirmation est excessive et même n’est exacte que d’un point de vue répressif. L’expiration du délai triennal de l’action publique pour délit de construction sans permis interdit sans doute le prononcé des « mesures à caractère réel » de mise en conformité ou démolition visées par l’article L.480-5 du Code de l’urbanisme par le tribunal correctionnel ou le tribunal de grande instance, statuant comme en matière civile (C. urb., art. L.480-6, dern. al.). L’expiration de ce délai ne fait en revanche pas obstacle, selon nous, à la saisine de cette dernière juridiction sur le fondement différent des articles 1382 ou 1143 du Code Civil, à condition toutefois que l’absence de tout permis révèle de surcroît la violation d’une règle d’urbanisme, en relation de cause à effet avec le préjudice que doit prouver la victime. En l’absence de tout permis, la prescription abrégée de cinq ans de l’article L.480-13 n’est même pas applicable, seul le délai de dix ans de l’article 2270-1 du Code Civil paraissant d’application pertinente.

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En revanche, il est possible de suivre la CA de PARIS lorsqu’elle considère que :

« L’acquisition d’un bien construit sans permis de construire plus de trois ans après la date d’achèvement des travaux ne peut, en soi et à elle seule, être constitutive d’un préjudice. »

Il est vrai qu’aussi longtemps qu’un tiers ne s’est pas plaint du dommage que peut lui causer la construction de l’ouvrage non autorisé, l’absence d’autorisation ne cause aucune atteinte à une prérogative spécifiquement protégée ; d’ailleurs, l’obtention d’un permis de régularisation par le nouveau propriétaire est peut-être concevable, à condition toutefois que la règle d’urbanisme applicable à la date de la délivrance le permette. Il n’en reste pas moins que l’arrêt pourrait susciter une appréciation faussée sur les conséquences de la vente d’un immeuble édifié sans permis. Trois ans après l’achèvement des travaux, ce n’est pas suffisant pour être tranquille.

Source : CONSTRUCTION-URBANISME, septembre 2001 page 14