C.A. PARIS 29 Juin 2005

Désamiantage et obligation du bailleur.

Note de Mme Sylvaine PORCHERON :

Contrairement à ce qu’ont retenu les premiers juges, le diagnostic a révélé la présence de fibres amiante dans les locaux donnés à bail.

Certes, l’amiante n’est pas par lui-même un vice de la chose donnée à bail et il ne le devient que s’il se dégrade.

En l’espèce, le risque de toxicité découle amplement de l’état de totale dégradation des locaux « en friches » situés sur le terrain A, contigu au terrain B, constituant le passage d’accès obligé au terrain B, et que la société locataire avait la charge « de maintenir en bon état d’entretien » et l’endommagement du flocage amianté des locaux donnés à bail se déduit de l’état de détérioration des deux bâtiments implantés sur le terrain B.

En application des dispositions des articles R. 1334-15 et suivants du Code de la santé publique, la bailleresse était tenue de l’obligation de recherche d’amiante avant de donner à bail son bien.

Elle tente vainement de se prévaloir d’une exonération de cette obligation tirée de ce que l’article 15 du bail mettait à la charge du preneur l’obligation de « veiller à la recherche de l’amiante et ce par une société habilitée à cet effet, et effectuer les travaux de mise en conformité suivant les textes en vigueur, aux frais des preneurs« .

Cette clause n’a en effet pas déchargé le bailleur de son obligation de délivrer des locaux immédiatement utilisables, et partant, de son obligation de procéder au désamiantage des lieux avant l’entrée en jouissance de son locataire.

La bailleresse ne saurait davantage se décharger de son obligation de délivrance conforme en soutenant que le preneur devait se renseigner sur l’absence de vice.

Elle allègue au surplus sans preuve la connaissance professionnelle dans le domaine du bâtiment de la société locataire laquelle exerce une activité de transport.

Enfin, les termes de la correspondance que le maire de la commune a adressée le 2 février 2004 au conseil de l’appelante établissent que le représentant légal de la bailleresse était informé dès le mois de mai 1998 de « la très probable présence d’amiante dans les matériaux de construction » des bâtiments qui venaient d’être ravagés par un incendie, et partant, dans ceux du terrain B, construits à l’identique.

La preuve est ainsi faite de ce que la bailleresse était informée de la présence d’amiante dans ses locaux lorsqu’elle les a donnés à bail et qu’elle l’a dissimulé à son co-contractant.

Du tout, il découle que la bailleresse a donné à bail des locaux dont elle n’ignorait pas qu’ils étaient affectés d’un vice de construction présentant un risque de toxicité.

La locataire, confrontée à l’impossibilité de pouvoir effectuer les travaux nécessaires à son installation dans les locaux, demande dès lors légitimement la résiliation du bail aux torts exclusifs de la société bailleresse et sa condamnation à lui rembourser la somme versée à titre de loyer et de caution.

Source : AJDI, 11/05, page 830