Note de M. Philippe MALINVAUD :
Il arrive de plus en plus souvent que de grands maître d’ouvrage, notamment lorsqu’ils sont spécialisés dans un certain type de constructions, assurent eux-mêmes la maîtrise d’œuvre de l’opération. Si des désordres surviennent, dus en totalité ou pour partie à cette maîtrise d’œuvre, le maître de l’ouvrage pourra en être tenu responsable. Mais sur quel fondement ?
Si ce maître d’œuvre a une personnalité juridique différente de celle du maître de l’ouvrage, on le traitera comme tout autre constructeur extérieur ; peu importe qu’il soit une filiale ou une société sœur du maître de l’ouvrage. On appliquera donc purement et simplement les règles de la responsabilité des constructeurs.
Si, en revanche, il est un des services du maître de l’ouvrage sans personnalité juridique propre, comme c’était le cas dans le présent arrêt ; on est en présence d’un maître de l’ouvrage assurant tout ou partie de la maîtrise d’œuvre.
On serait alors tenté d’y voir une immixtion fautive d’un maître de l’ouvrage notoirement compétent et d’appliquer la jurisprudence y relative. Mais ce serait forcer les qualifications ; on ne saurait parler d’immixtion fautive lorsqu’il a été contractuellement prévu que la maîtrise d’œuvre serait assurée par le maître de l’ouvrage. Il faut ici considérer que la même entité juridique a une double casquette : en sa qualité de maître de l’ouvrage, il peut revendiquer le bénéfice des articles 1792 et suivants, mais en tant que maître d’œuvre il est locateur d’ouvrage et donc débiteur des obligations prévues par ces dispositions.
Appliquant ces principes, l’arrêt condamne in solidum les locateurs d’ouvrage (y inclus le maître de l’ouvrage) à réparer le préjudice subi ; mais elle fait ensuite un partage dans les rapports respectifs des divers intervenants.
En pratique, c’est dire que, en cas de désordres, le maître de l’ouvrage ne sera pas indemnisé pour la partie du dommage qui est mise à la charge de la maîtrise d’œuvre (Cass. 3è civ., 7 mars 1990 – 5 avril 1995 – CA Paris, 23è ch. A, 27 mai 1992).
On trouve un bon exemple de cette situation dans le présent arrêt.