Succession de baux dérogatoires : requalification en bail statutaire rejetée.
Un locataire demandait la requalification de son bail dérogatoire en bail statutaire au motif qu’une succession de baux portant sur les mêmes locaux avait pour seul but d’éluder l’application du statut.
Des baux de deux ans avaient été signés en janvier 2004, 2006 et 2008 et un dernier de décembre 2009 à décembre 2011.
Mais la Cour d’appel refuse la requalification :
« Cette succession de baux dérogatoires concerne les mêmes locaux commerciaux […] à Aubervilliers ;
Les baux successifs ont duré chacun en moyenne deux années, périodes au terme desquelles les sociétés locataires ont été soit dissoutes soit radiées du registre du commerce.
Ces sociétés qui se sont succédé dans les lieux n’avaient ni le même gérant de droit ni les mêmes associés ;
La société K. prétend que précisément ces différentes conclusions de sociétés n’étaient réalisées que dans le dessein pour les bailleurs de pouvoir conclure une succession de baux dérogatoires à des sociétés en apparence différentes mais constituées en fait des mêmes personnes, à savoir les époux W.et leur fils, de façon à échapper au statut des baux commerciaux ».
La Cour écarte l’attestation d’un cabinet d’audit, au motif que ce n’était pas une société d’expertise comptable ; elle écarte les témoignages des associés en raison de leur lien avec des dirigeants de la société et conclut :
« En l’état de ces éléments, il n’est donc pas établi avec la certitude suffisante que les bailleurs connaissaient les dirigeants de fait des différentes sociétés et qu’en connaissance de la permanence de mêmes dirigeants de fait, de l’identité du fonds de commerce et du caractère fictif des différentes sociétés qui l’ont exploité, ils ont eux-mêmes encouragé cette création de sociétés ayant statutairement des gérants et des associés différents dans le seul but d’éluder les dispositions de l’article L. 145-5 du Code de commerce, et le statut des baux commerciaux« .
La Cour refuse donc la requalification en bail statutaire et ordonne l’expulsion.
Note :
En cas de succession de baux dérogatoires portant sur les mêmes locaux, et entre les mêmes parties, le preneur peut obtenir la requalification en bail de 9 ans.
En l’espèce, les baux avaient été conclus avec des sociétés différentes. La jurisprudence a pu admettre que des baux consentis en alternance au locataire et à des tiers, agissant comme prête-noms, a pour but de faire échec au statut (Civ. 3e, 9 fév. 1994).
Ici la Cour d’appel ne l’a pas admis.