C.A. PARIS 18 Septembre 2014

Une convention peut créer d’autres droits réels que ceux prévus par la loi.

En 1932, une fondation avait vendu un immeuble à une société, l’acte précisant qu’était exclue de la vente la jouissance ou l’occupation par la fondation de la partie des locaux où elle était installée et que la société pouvait récupérer ces locaux à condition de mettre à la disposition de la fondation, gratuitement et pour toute la durée de celle-ci, des locaux équivalents à construire sur la propriété vendue.

Soixante-quinze ans plus tard, la société demandait l’expulsion de la fondation et lui réclamait une indemnité pour l’occupation sans droit ni titre des locaux.

Pour accueillir cette demande, la Cour d’appel de Paris avait retenu que le droit concédé à la fondation dans l’acte de vente était un droit d’usage et d’habitation et que ce droit, qui s’établit et se perd de la même manière que l’usufruit et qui ne peut excéder trente ans, s’il est accordé par une personne morale, était désormais expiré.

La Cour de cassation avait censuré cet arrêt (Cass. 3e civ., 31-10-2012).

La Cour d’appel de renvoi a repris les solutions affirmées par la Cour suprême : le propriétaire peut consentir, sous réserve des règles d’ordre public, un droit réel conférant le bénéfice d’une jouissance spéciale de son bien (C. civ., art. 554 et 1134).

En l’espèce, les parties étaient convenues de conférer à la fondation, pendant toute la durée de son existence, la jouissance ou l’occupation des locaux où elle était installée ou de locaux de remplacement ; ce droit réel ne constituant pas un droit d’usage et d’habitation au sens des dispositions de l’article 625 du Code civil, les règles du régime juridique régissant un tel droit, et notamment celles relatives à sa durée, n’avaient pas vocation à s’appliquer.

Aucune disposition légale ne prévoyant que la durée d’un tel droit serait limitée à trente ans, ce droit réel de jouissance spéciale ne s’éteindra que par l’expiration du temps pour lequel il a été consenti, en l’espèce pour la durée de l’existence de la fondation (cette dernière existant toujours à ce jour).

Source : BRDA, 21/14, page 15