C.A. PARIS 16 Octobre 2014

Les loyers impayés d’un crédit-bail entrent dans le passif exigible de l’entreprise locataire, même si les actions en justice l’opposant à la société de crédit-bail sont toujours en cours, dès lors que l’entreprise ne conteste pas devoir ces loyers.

Une société civile immobilière (SCI) appartenant à un groupe avait financé, au moyen d’un contrat de crédit-bail immobilier, l’achat d’un terrain et la construction d’un immeuble destiné à héberger les autres sociétés du groupe.

Ces dernières ayant fait l’objet de procédures collectives et quittées l’immeuble, la SCI n’avait pas pu honorer les loyers du crédit-bail. Cette situation avait perduré après la prolongation de la durée du crédit-bail dans le cadre d’une procédure de conciliation.

La société de crédit-bail avait fait constater par le juge des référés l’acquisition de la clause résolutoire figurant au contrat, mais la SCI avait appel de cette décision.

La société de crédit-bail avait alors demandé la mise en redressement ou en liquidation judiciaire de la SCI tandis que celle-ci mettait en cause la responsabilité de la société de crédit-bail pour manquement à son obligation de conseil et demandait l’annulation du contrat.

La question s’était posée de savoir si la SCI était bien en cessation de paiement, compte tenu des actions en cours : la créance de la société de crédit-bail constituait-elle un passif exigible et la créance de dommages-intérêts de la SCI pouvait-elle être tenue pour un actif disponible ?

La Cour d’appel de Paris a estimé que la SCI était bien en état de cessation de paiement.

Pour contester le caractère établi de la créance de la société de crédit-bail, la SCI faisait valoir en vain que celle-ci ne disposait à son encontre que d’une décision de référé frappée d’appel et que le sort définitif de la créance restait subordonné à l’issue des procédures en cours.

En effet, la société de crédit-bail disposait d’un titre exécutoire, l’acte notarié de crédit-bail, et la régularité des voies d’exécution qu’elle avait engagées sur le fondement de cet acte n’avait pas été contestée ; si le montant des indemnités de résiliation et d’occupation pouvant encore être discuté, la SCI n’avait pas contesté les loyers impayés devant le juge des référés.

L’action en responsabilité qu’elle avait introduite contre la société de crédit-bail, et par laquelle elle ne contestait pas davantage être débitrice des loyers, ne pouvait pas caractériser la réalité d’un actif disponible au sens du droit des procédures collectives et donner lieu à compensation.

L’action en nullité du contrat, jugée prescrite par les premiers juges et pendante en appel, avait été engagée plus de cinq ans après la conclusion du contrat.

Elle était en contradiction avec les positions soutenues par la SCI dans les autres instances ainsi qu’avec la procédure de conciliation et l’aménagement du contrat de crédit-bail. Introduite après la demande d’ouverture d’une procédure collective, cette action n’était pas de nature à conférer aux loyers impayés non contestés jusque-là un caractère litigieux.

La Cour d’appel a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre de la SCI après avoir constaté qu’elle n’était pas en mesure de faire face à son passif exigible au moyen de son actif disponible et qu’elle n’avait pas de perspective de redressement, la SCI ne disposant d’aucun revenu après la mise en liquidation de ses locataires.

Source : BRDA, 22/14, page 9